Introduction

L’émotion nous plongerait-elle dans un monde magique ? Selon la théorie des émotions de Sartre (1938), la question se doit d’être posée. Il y répond par l’affirmative en décidant « ‘d’appeler émotion une chute brusque de la conscience dans le magique’ » (p. 62). Les arguments développés dans ce manuscrit nous conduiront sur une voie tout autre que celle de la magie, qui suivra les deux objectifs de notre projet doctoral.

Les trois chapitres inauguraux sont dédiés à notre premier objectif qui était de montrer qu’une certaine approche des mécanismes émotionnels, celle de la neuroscience cognitive, permet de soutenir que les émotions obéissent à des contraintes qui sont de même nature que celles qui régissent les autres fonctions cognitives. Selon cette approche, les émotions ne sont pas considérées simplement comme des modes particuliers d’existence de la conscience mais sont étudiées, à l’instar d’autres mécanismes cognitifs, dans toute leur complexité (Sander & Koenig, sous presse).

Les chapitres suivants sont consacrés à notre second objectif qui était de mettre à profit l’approche interdisciplinaire de la neuroscience cognitive pour aborder expérimentalement la complexité des émotions. Deux axes ont été suivis : le premier était celui de la recherche de sous-systèmes émotionnels polarité-dépendants. En effet, une question prioritaire dans l’analyse computationnelle des mécanismes émotionnels est de déterminer si la mise en oeuvre de certains sous-systèmes émotionnels dépend de la polarité (positive vs négative) du stimulus traité. Le second axe consistait à étudier le mode de traitement explicite et/ou implicite des différents sous-systèmes émotionnels. Un objectif particulier était de déterminer si l’évaluation émotionnelle d’un événement est un mécanisme automatique ou si, au contraire, ce mécanisme est susceptible d’être modulé en fonction des contraintes attentionnelles.

Précisément, nous avons choisi de développer notre thèse selon le plan suivant.

Dans un premier temps, le prolongement de cette introduction vise à présenter le cadre métathéorique et épistémologique dans lequel se sont inscrites notre réflexion théorique et notre démarche expérimentale.

Dans le premier chapitre, seront présentés les éléments qui nous semblent déterminants pour fixer un cadre théorique propre à sous-tendre une modélisation des émotions.

Le chapitre 2 développe le cadre théorique en présentant un ensemble de contraintes fonctionnelles, computationnelles et neuronales jugées pertinentes dans l’élaboration d’un modèle computationnel des émotions.

Le chapitre 3 consiste à proposer un tel modèle en caractérisant différents sous-systèmes émotionnels spécialisés et en spécifiant l’organisation et les interactions de ces sous-systèmes.

Le chapitre 4 est consacré, d’une part, à la justification des deux hypothèses théoriques défendues et, d’autre part, à la présentation des paradigmes expérimentaux choisis pour les tester. La première hypothèse, « l’hypothèse de polarité », propose que certains mécanismes émotionnels soient différentiellement sensibles aux événements positifs vs négatifs. La seconde, « l’hypothèse d’automaticité », propose que l’évaluation émotionnelle puisse être effectuée dans un mode automatique.

Le chapitre 5 est dédié à la présentation des expériences réalisées pour tester nos hypothèses. L’approche expérimentale choisie reflète l’interdisciplinarité inhérente à l’épistémologie de la neuroscience cognitive. Ainsi, cinq expériences sont présentées dans ce chapitre :

Enfin, le dernier chapitre est réservé à la discussion des résultats obtenus, notamment en relation avec le modèle proposé. Il s’agit également de suggérer des perspectives concernant la complexité des émotions.