Les émotions en tant qu’objet d’étude

Il n’existe pas de définition opérationnelle et consensuelle des émotions, ni en neuroscience cognitive ni dans aucun autre champ de recherche (voir, p. ex., Strongman, 1996). De cette absence de définition résulte une confusion terminologique évidente. Par exemple, Kleinginna et Kleinginna (1981) ont recensé une liste variée de quatre-vingt douze définitions rendant compte de la diversité des caractérisations de l’émotion. Ces auteurs ont identifié différentes classes de définitions mettant l’accent par exemple sur la dimension subjective, sur les catégories de stimuli déclencheurs, sur les mécanismes physiologiques, sur l’expression des comportements émotionnels, sur les effets adaptatifs, ou encore sur les effets perturbateurs.

Il est intuitif de considérer que les chercheurs qui se revendiquent comme appartenant à des disciplines différentes puissent être en désaccord sur la définition des émotions. Par exemple, deux positions opposées sont le point de vue phénoménologique selon lequel les émotions sont des modes particuliers de la conscience (p.ex., Sartre, 1938) et le point de vue néobéhavioriste de Rolls (1999 p.60) qui définit les émotions comme des « states elicited by rewards and punishers ». Le désaccord définitionnel est également installé au sein d’une discipline telle que la neuroscience. Ainsi, selon Damasio (1998a p.84), « ‘the term emotion should be rightfully used to designate a collection of responses triggered from parts of the brain to the body, and from parts of the brain to other parts of the brain, using both neural and humoral routes’  ». En revanche, LeDoux (1994, p. 291) écrivait que ‘« in my view, emotions are affectively charged, subjectively experienced states of awarness. Emotions, in other words, are conscious states’  ». De prime abord, cette divergence terminologique apparaît comme avoir des implications importantes; notamment, selon LeDoux, les émotions sont conscientes, alors que selon Damasio, elles ne le sont pas. Mais, si tel que cela semble être le cas, le sens assigné par LeDoux au terme « emotion » est le sens assigné par Damasio au terme « feeling », alors il s’agit plutôt de variations terminologiques que de débat scientifique.

Plutôt que de proposer une définition du système émotionnel, notre intention est de participer à la caractérisation de ses composants, de ses fonctions, de son architecture fonctionnelle et de son implémentation dans le cerveau.