Emotions dans la nature et nature des émotions : Approche évolutionniste des émotions

« What are brains for ? Sex. » Michael S. Gazzaniga (1997, p.157).

Comme cela a été évoqué dans l’introduction, la perspective évolutionniste tend à devenir un paradigme dominant en neuroscience cognitive. Il n’a pas fallu attendre ce développement pour que les théories de l’évolution considèrent les émotions comme un objet d’étude privilégié (voir Cosmides & Tooby, 2000 ; Faucher, 1999 ; Griffiths, 1999). En particulier, les travaux de Charles Darwin (1872) sur l’expression des émotions chez l’homme et les animaux ont eu deux apports principaux.

Le premier a été de fournir l’acte de naissance d’une voie de recherche très active actuellement, dont le plus illustre contemporain est Paul Ekman : l’étude des expressions faciales émotionnelles. L’expression faciale et la posture sont considérées comme des composantes essentielles dans l’évolution des espèces. L’expression émotionnelle est un vecteur privilégié par lequel un individu peut exprimer son expérience émotionnelle et ainsi permettre à autrui de la reconnaître. Les capacités à produire une expression émotionnelle et à reconnaître les expressions représentent ainsi un avantage adaptatif (voir Öhman, 2002). Par exemple, exprimer la colère comme l’indice d’une agressivité peut faire fuir un ennemi, si ce dernier est capable de la reconnaître.

Le second apport de Darwin n’est pas exclusif à son oeuvre de 1872 mais inhérent à sa théorie de l’évolution. Ainsi, la théorie synthétique (ou Néo-Darwinienne) de l’évolution considère le système de traitement des informations émotionnelles de l’homme moderne comme remplissant une fonction adaptative spécifique et s’appuyant sur un héritage phylogénétique. La fonction adaptative des émotions s’exprime dans les comportements émotionnels produits par un ensemble de composants cognitifs. Différents comportements, qu’il s’agit d’expliquer en termes cognitifs, rendent compte des fonctions émotionnelles. Par exemple, face au danger, la fuite, le combat ou l’inhibition (Gray, 1994) représentent de tels comportements.

Tooby et Cosmides (1995) ont justifié clairement l’approche computationnelle des émotions. Selon ces auteurs, puisque la fonction du cerveau est de nature informationnelle, son organisation fonctionnelle précise ne peut être décrite fidèlement qu’avec un langage capable d’exprimer ses fonctions informationnelles, c’est-à-dire en termes cognitifs plutôt qu’en termes cellulaires, anatomiques ou chimiques. L’approche computationnelle permet, justement, de proposer une architecture fonctionnelle du système émotionnel.