L’hypothèse d’activation antérieure asymétrique

L’hypothèse d’activation antérieure asymétrique, développée par Davidson depuis les années 1980, a été élaborée notamment sur la base de l’hypothèse de valence. L’élaboration a principalement consisté à (i) préciser la localisation des réseaux de neurones impliqués et à (ii) proposer que la dimension critique soit motivationnelle et orientée par la tendance à l’action (approche-évitement). Nous avons exposé l’hypothèse d’activation antérieure asymétrique dans la contrainte CC8. Selon cette hypothèse, la région antérieure gauche est associée aux émotions liées à l’approche alors que l’activation de la région antérieure droite est associée à celles liées à l’évitement (Davidson, 1995).

Cette hypothèse repose sur un vaste faisceau d’arguments. Nous présenterons dans un premier temps, les principaux arguments suggérant que la région frontale gauche soit préférentiellement impliquée dans les processus d’approche. Dans un second temps, nous présenterons les principaux arguments suggérant que la région frontale droite soit préférentiellement impliquée dans les processus d’évitement.

Région frontale gauche et processus d’approche. D’un point de vue conceptuel, deux arguments peuvent être présentés. Premièrement, les travaux de Luria (1973) tendaient à considérer la région frontale gauche comme un centre important pour l’intention, l’auto-régulation et la planification. Les fonctions attribuées à cette région sont celles qui sont historiquement liées à la volonté. Ceci implique que cette région puisse être supposée sous-tendre les comportements d’approche. Deuxièmement, le fait que, au cours du développement ontogénétique, les enfants approchent et saisissent les objets qui les intéressent avec la main droite plus souvent qu’avec la main gauche est également cohérent avec l’hypothèse de Davidson. Ainsi, l’acte de préhension avec la main droite et les affects positifs sont considérés comme la manifestation collective d’un circuit cérébral sous-tendant le comportement d’approche. La région frontale gauche servirait de zone de convergence à ce circuit (voir Davidson, 1995).

D’un point de vue expérimental, les arguments suivants nous semblent être les principaux :

Région frontale droite et processus d’évitement. Nous présentons maintenant les principaux arguments suggérant que la région frontale droite soit préférentiellement impliquée dans le système d’évitement.

Cependant, dans certaines études, aucune différence nette n’a été obtenue dans l’incidence et la sévérité de la symptomatologie dépressive chez des patients cérébrolésés gauches vs patients cérébrolésés droits (p.ex., House, Dennis, Warlow, Hawton, & Molyneux., 1990). Ces résultats sont sources d’interprétations variables qui mènent à des confusions théoriques. Selon Davidson, pour éviter ces confusions, deux précisions s’imposent. La première est que les patients cérébrolésés à partir desquels ces résultats ont été obtenus avaient souvent une lésion postérieure. Deuxièmement, Davidson (1995) a proposé que l’activation asymétrique antérieure prédispose un individu à répondre avec une prédominance de l’affect positif ou négatif, étant donné un inducteur émotionnel approprié. Puisque cette prédominance ne s’exprime pas en situation normale mais n’apparaît que lors de la confrontation à des événements particuliers, elle peut être qualifiée, selon les termes de Jouvent, Dubal et Pierson (1999), de « trait fonctionnel ». Ainsi, en l’absence de situation génératrice spécifique, aucune différence dans la symptomatologie affective entre patients ayant des lésions dans des hémisphères distincts n’est prédite.

Par conséquent, il faudrait que l’environnement soit suffisamment stressant pour qu’un patient ayant une lésion antérieure gauche développe une symptomatologie dépressivo-catastrophique. Remarquons que ce résultat est cohérent avec l’hypothèse de Gainotti proposant un avantage de l’hémisphère gauche dans le contrôle des émotions : le patient développe cette réaction car il est incapable de contrôler ses émotions.