Introduction aux expériences

La série d’expériences que nous présentons dans les deux chapitres suivants a un double objectif puisqu’elle vise à :

  1. Déterminer si certains sous-systèmes émotionnels sont polarité-dépendants. Ceci revient à déterminer si certaines étapes de traitement dans l’évaluation d’un événement émotionnel dépendent de la polarité, positive ou négative, de cet événement.

  2. Déterminer le niveau de traitement, explicite et/ou implicite, dans lequel s’exprime des sous-systèmes polarité-dépendants.

L’analyse computationnelle du système émotionnel nous a conduits à proposer que les divergences observées dans la littérature concernant l’asymétrie hémisphérique des émotions pourraient refléter le fait que les différentes hypothèses proposées reposent sur l’analyse de sous-systèmes différents, et que ces sous-systèmes différents puissent être différentiellement latéralisés (voir CN 1, Sander & Koenig, sous presse). Par conséquent, un défi ambitieux pour la neuroscience cognitive est de déterminer si l’asymétrie hémisphérique observée en fonction de la polarité d’un stimulus, tel que cela a été supposé pour le cortex préfrontal et l’amygdale, dépend du niveau, explicite ou implicite, auquel ce stimulus est traité. En particulier, les contraintes attentionnelles pourraient moduler les sous-systèmes engagés dans le processus évaluatif (voir Thayer & Lane, 2000).

La logique expérimentale suivie était de mettre à profit plusieurs méthodes de la neuroscience cognitive pour tester une seule hypothèse. Ainsi, l’hypothèse de polarité dans l’évaluation explicite et implicite a été testée de façon transversale en recherchant un faisceau d’arguments convergents. Les expériences menées dans ce but ont été les suivantes :

L’Expérience 1 était une étude comportementale, chez des participants sains, utilisant la méthode de présentation en champ visuel divisé. L’objectif de cette expérience était de mettre en évidence une interaction des facteurs polarité émotionnelle et hémisphère cérébral. Cet objectif est justifié par le fait qu’observer une telle interaction serait un argument en faveur de l’existence de sous-systèmes polarité-dépendants, chacun préférentiellement implémenté dans un hémisphère cérébral. De plus, le fait de proposer aux participants une tâche dans laquelle l’évaluation était explicite et une tâche dans laquelle l’évaluation était incidente nous permettait de tester l’hypothèse selon laquelle l’évaluation émotionnelle se produit de façon automatique.

L’Expérience 2 visait à dépasser le niveau hémisphérique dans l’étude de la polarité-dépendance. Précisément, nous avons conduit une étude en imagerie cérébrale utilisant la technique d’Imagerie par Résonance Magnétique fonctionnelle événementielle chez des participants sains. Ce paradigme avait pour objectif de caractériser les différentes activations évoquées par l’évaluation des stimuli négatifs et positifs. Suivant la même logique expérimentale que celle développée pour l’Expérience 1, ce paradigme avait également pour objectif de caractériser les différentes activations évoquées par les stimuli émotionnels dans un contexte d’attention portée sur la polarité et dans un contexte d’attention portée sur une propriété non-émotionnelle externe de ces stimuli.

L’expérience 3 était une étude comportementale utilisant l’approche de cas unique. Le patient que nous avons testé présentait une hyperperfusion amygdalienne bilatérale en situation de repos. L’objectif principal de cette étude était de tester l’hypothèse d’une implication de l’amygdale dans l’évaluation implicite.

L’expérience 4 était une étude comportementale utilisant la méthode de la double dissociation neuropsychologique. Cette expérience a porté sur deux patients ayant une lésion cérébrale focale identifiée. L’objectif de cette étude était de démontrer que des mécanismes impliqués dans l’évaluation des stimuli négatifs et positifs peuvent être lésés différentiellement. En outre, le fait d’utiliser une tâche dans laquelle l’évaluation était explicite et une tâche dans laquelle l’évaluation était incidente nous a permis de rechercher des dissociations entre les mécanismes critiques dans l’évaluation explicite et ceux critiques dans l’évaluation implicite.

L’Expérience 5 était une étude comportementale utilisant la méthode de simple dissociation chez une population de patients schizophrènes. L’objectif était de déterminer si, dans la schizophrénie, certains mécanismes impliqués dans l’évaluation d’événements d’une polarité donnée pouvaient être déficitaires alors que les mécanismes impliqués dans l’évaluation d’événements de l’autre polarité seraient préservés.