Expérience 2 : IRMf événementielle

Dans le cadre d’une collaboration entre l’unité INSERM U438 (CHU Grenoble) et le laboratoire EMC, une étude anatomofonctionnelle de l’évaluation explicite et implicite de stimuli positifs et négatifs a été menée chez le sujet sain.

Précisément, la technique d’Imagerie par Résonance Magnétique fonctionnelle événementielle (IRMf-e) a été utilisée pour déterminer les régions cérébrales différentiellement activées lors de l’évaluation de stimuli positifs et de stimuli négatifs dans deux contextes attentionnels.

Plusieurs raisons nous ont conduits à préférer un paradigme IRMf événementiel au paradigme IRMf de type « bloc » classique. Le fait que la sensibilité de l’IRMf soit suffisante pour détecter des changements transitoires dans la concentration de déoxyhémoglobine qui suit la présentation d’un stimulus unique (Friston et al., 1998) réduit de nombreuses contraintes expérimentales. Ainsi, l’utilisation d’un design événementiel par rapport à un design de type bloc apporte les avantages suivants :

Ces avantages rendent les paradigmes développés en IRMf plus flexibles aux contraintes posées par l’étude expérimentale rigoureuse des mécanismes cognitifs (voir D’esposito et al., 1999). Deux types principaux de paradigmes sont utilisés en IRMf-e : l’IRMf-e lent (slow ER-fMRI) et l’IRMf-e rapide (fast ER-fMRI). L’utilisation du paradigme d’IRMf-e lent répond aux contraintes physiologiques posées par la réponse hémodynamique qui, bien que dépendante de la vascularisation de la région cérébrale concernée, possède un temps de retour au niveau basal supérieur à 10 s (Dale, 1999). La valeur de cette latence suggère que pour analyser la fonction de réponse hémodynamique d’une région liée à un événement donné, il est nécessaire de séparer de plus de 10 s deux événements supposés activer la même région. De fait, le IIS (Intervalle Inter-Stimuli) optimum utilisé dans un paradigme événementiel lent est d’environ 20 s (voir Dale, 1999). Cependant, une contrainte essentielle posée par l’étude expérimentale des mécanismes cognitifs concerne la fréquence de présentation des stimuli. En effet, dans l’opérationnalisation de la plupart des hypothèses, il s’avère nécessaire que l’intervalle temporel séparant la présentation (et le traitement) de deux stimuli soit suffisamment court pour diminuer les effets d’interférences avec d’autres mécanismes cognitifs. Une question délicate consiste alors à déterminer comment augmenter la fréquence de présentation d’événements d’un même type tout en conservant un rapport « signal sur bruit » permettant de détecter la réponse BOLD. Le point critique consiste à pouvoir extraire la réponse liée à un événement donné bien que celle-ci soit partiellement recouverte par la réponse évoquée par un événement du même type temporellement proche (ce problème est désigné comme « the overlapp problem »). Burock et al. (1998) ont démontré qu’une solution consistant à aléatoriser les IIS permet d’utiliser des IIS courts (p.ex., 2 s) tout en obtenant une efficacité au moins équivalente à celle obtenue avec un paradigme IRMf-e lent. Ainsi, un avantage majeur de l’IRMf-e rapide est que la contrainte expérimentale de fréquence de présentation des stimuli peut être respectée.

Dans un article portant sur la technique d’IRMf-e, Friston et al. (1998) prédisaient que : ‘« Clearly the next step in event-related fMRI is to characterize the differences in evoked responses elicited by : (i) different classes of stimuli or (ii) the same stimuli in different response or attentional contexts ’». Le paradigme expérimental que nous avons utilisé pour tester l’hypothèse de polarité dans l’évaluation explicite et implicite nous permettait justement de caractériser les différentes activations évoquées par (i) la classe de stimuli positifs vs la classe de stimuli négatifs et (ii) les mêmes stimuli émotionnels dans un contexte d’attention portée sur la valeur émotionnelle de stimuli vs un contexte d’attention portée sur une propriété non-émotionnelle externe de ces mêmes stimuli. Plus précisément, dans le but de tester l’hypothèse de polarité et l’hypothèse d’automaticité de l’évaluation, nous avons utilisé une procédure expérimentale proche de celle développée dans le cadre de l’étude en champ visuel divisé. Ainsi, les participants ont été testés dans deux conditions attentionnelles. Dans une condition, les participants devaient évaluer explicitement les stimuli (condition d’évaluation explicite : jugement hédonique) alors que dans l’autre condition, l’évaluation des stimuli n’était pas nécessaire pour effectuer la tâche (condition d’évaluation implicite : jugement de bordures). Notons que la tâche de jugement de bordures a été conçue dans le but de moduler les ressources attentionnelles disponibles pour l’évaluation émotionnelle.

L’utilisation d’un paradigme IRMf événementiel rapide avec un intervalle inter-stimuli aléatorisé a notamment permis, pour la première fois à notre connaissance, d’étudier en IRMf les activations cérébrales lors d’un jugement hédonique explicite en évitant les biais d’attente et d’habituation.