Analyse des données IRMf

Les données IRMf ont été analysées en utilisant le modèle linéaire général pour designs événementiels implémenté dans le logiciel Statistical Parametric Mapping (SPM 99, voir Friston et al., 1995 ; Josephs et al., 1997).

Une série d’opérations de pré-traitement spatial a été effectuée sur les données avant de réaliser une analyse statistique. Le premier pré-traitement effectué était le découpage temporel (fonction « Slice timing ») qui consistait à corriger pour chaque volume les décalages d’acquisition entre les 23 coupes. La coupe 11 (milieu physique du volume) a été prise comme coupe de référence. Le second pré-traitement était le réalignement (fonction « realign ») qui consistait à corriger pour chaque participant les artefacts dûs aux mouvements de sa tête lors de chacune des deux sessions. Le premier volume acquis a été pris comme volume de référence. Le troisième pré-traitement effectué était la normalisation (fonction « normalize ») qui consistait à transformer le scan anatomique de chaque participant de façon à l’ajuster sur un repère spatial (template) standard (le repère MNI du Montréal Neurological Institute). Pour chaque participant, la transformation effectuée sur son scan anatomique a été ensuite appliquée à ses 178 scans fonctionnels. Le dernier pré-traitement était le lissage spatial (fonction « smooth ») qui consistait à appliquer un filtre gaussien passe-bas (FWHM) d’une taille de 8 X 8 X 10 mm pour permettre les analyses statistiques corrigées.

La réponse hémodynamique évoquée par chacun des types d’événements (événement nul, événement négatif et événement positif) a été modélisée par une fonction canonique de réponse hémodynamique (Hemodynamic Response Function, HRF) et sa dérivée temporelle (voir Hopfinger et al., 2000).

Deux types de modèles statistiques ont été utilisés pour effectuer les analyses sur le signal BOLD. Le premier modèle était dit « effets fixes » (Fixed-Effects Model, FFX) alors que le second était dit « effets aléatoires » (Random-Effects Model, RFX). Dans le modèle FFX, la seule quantité aléatoire considérée était l’erreur résiduelle. Dans le modèle RFX, pour chaque contraste d’intérêt, les images de contraste de chaque participant ont été entrées dans un second niveau d’analyse avec « participants » comme facteur aléatoire. Pour les deux analyses, les effets ont été testés en appliquant des contrastes linéaires aux paramètres estimés de l’activité événementielle de chaque voxel. Chaque contraste a généré une statistique t (t-statistic) constituant une carte statistique paramétrique (spm) qui était ensuite transformée en une distribution Z.

Pour les deux analyses, un seuil d’intensité du voxel P = 0.05, corrigé pour les comparaisons multiples à travers tout le cerveau, a d’abord été utilisé. Les activations qui sont rapportées avec un P = 0.05 corrigé ont systématiquement été observées avec un modèle FFX. De plus, lorsque cela est précisé dans le texte, les activations qui ont survécu à un seuil d’intensité de P = 0.001 pour l’analyse FFX et de P = 0.005 pour les analyses par sujet et RFX (Hamann & Mao, 2002), non corrigé pour les comparaisons multiples, sont également rapportées pour les régions d’intérêt a priori.

Pour le calcul des contrastes, les quatre types d’événements ont été pris en compte :deux conditions (implicite vs explicite) X deux polarités (négative vs positive).

Les coordonnées MNI identifiées avec SPM99 ont été transformées en coordonnées de l’espace de Talairach de façon à pouvoir identifier les structures cérébrales avec l’atlas de Talairach et Tournoux (1988). Notons que dans cette section, les coordonnées sont rapportées dans l’espace MNI.

Pour les deux sessions, les réponses neurales évoquées par l’évaluation des événements positifs (respectivement négatifs) ont été identifiées en contrastant les essais dans lesquels un stimulus positif (respectivement négatif) était présenté avec les essais dans lesquels un événement nul était présenté. Les activations révélées par ces contrastes sont présentées dans le tableau 5.1. La figure 5.9 illustre en particulier que ces contrastes ont mis en évidence une réponse bilatérale de l’amygdale à l’évaluation explicite des stimuli positifs (gauche, x = -16, y = -4, z = -15, P < 0.05 corrigé; droite, x = 24, y = 0, z = -15, P < 0.001 non corrigé) et négatifs (gauche, x = -24, y = 0, z = -20, P <. 0.05 corrigé; droite, x = 24, y = 0, z = -15, P < 0.001 non corrigé).

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Tableau 5.1 Les coordonnées indiquent la localisation des pics d’activation dans l’espace MNI pour (a) l’évaluattion explicite et (b) l’évaluation implicite des photos positives et négatives. Le modèle à effets fixes “fixed-effects model” a été utilisé pour rapporter ces activations (P < 0.05 corrigé pour les comparaisons multiples). Le sigle “*” signifie que pour des régions d’intérêt a priori, les activations sont rapportées avec un seuil de P < 0.001 (non corrigé pour les comparaisons multiples). H = hemisphere, AB = Aire de Brodmann, G = Hémisphère Gauche, D = Hémisphère Droit. G/D signifie que le voxel symétrique (sur l’axe gauche/droite) de celui qui présente un pic d’activation dans la carte SPM était aussi activé. Ces voxels symétriques ne sont rapportés que si aucun autre pic d’activation n’a été observé dans la région symétrique.
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Fig. 5.9 Activation de l’amygdale lors de l’évaluation explicite des photographies (a) positives (gauche, x = -16, y = -4, z = -15, P < 0.05 corrigé; droit, x = 24, y = 0, z = -15, P < 0.001 non corrigé) et (b) négatives (gauche, x = -24, y = 0, z = -20, P < 0.05 corrigé; droit, x = 24, y = 0, z = -15, P < 0.001 non corrigé). Les cartes d’activation sont présentées à un seuil de P < 0.001 (non corrigé pour les comparaisons multiples en utilisant le modèle FFX) et superposées sur une coupe coronale d’une image T1 canonique. Les coordonnées (x, y, z) correspondent à l’espace MNI.

Pour tester si l’amygdale était significativement plus activée par l’évaluation explicite que par l’évaluation implicite, nous avons effectué les contrastes comparant les conditions d’évaluation explicite et d’évaluation implicite pour chaque type d’événement en utilisant le modèle RFX. Ces contrastes ont révélé une augmentation de la réponse pour l’évaluation explicite des événements négatifs dans l’amygdale (gauche, x = -20, y = -4, z = -15, P < 0.005 non corrigé; droite, x = 24, y = -4, z = -20, P < 0.005 non corrigé), le gyrus cingulaire antérieur (x = -4, y = 28, z = 30, P < 0.005 non corrigé), le gyrus frontal supérieur (x = -8, y = 52, z = 10, P < 0.005 non corrigé), et le gyrus frontal inférieur (gauche, x = -52, y = 32, z = 0, P < 0.005 non corrigé; droit, x = 56, y = 32, z = 15, P < 0.001 non corrigé). Comme partiellement représentée dans la figure 5.10, une augmentation de la réponse pour l’évaluation explicite a également été observée pour les stimuli positifs dans l’amygdale (gauche, , x = -20, y = -4, z = -15, P < 0.001 non corrigé; droite, x = 24, y = -4, z = -20, P < 0.005 non corrigé), le gyrus cingulaire antérieur (x = -4, y = 28, z = 25, P < 0.001 non corrigé), le gyrus frontal supérieur (gauche, x = -8, y = 52, z = 10, P < 0.001 non corrigé; droit, x = 12, y = 52, z = 30, P < 0.005 non corrigé), et le gyrus frontal inférieur (gauche, x = -48, y = 36, z = 15, P < 0.005 non corrigé; droit, x = 52, y = 32, z = 20, P < 0.001 non corrigé). En particulier, la figure 5.10 montre les structures a priori qui étaient plus activées par l’évaluation explicte des stimuli positifs que par l’évaluation implicite de ces mêmes stimuli.

Ces résultats reflètent le fait qu’aucune activation n’ait atteint le seuil de significativité dans ces régions cérébrales durant l’évaluation implicite des stimuli émotionnels, comme cela est présenté dans le tableau 5.1. En particulier, la réponse de l’amygdale à ces événements n’a pas atteint ce seuil (en utilisant le modèle FFX, un voxel, x = 20, y = -12, z = -10, a été détecté activé: Z = 2.46, P = 0.009 non corrigé pour les stimuli négatifs, et Z = 1.44, P = 0.05 non corrigé pour les stimuli positifs).

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Fig. 5.10. Régions cérébrales plus activées par l’évaluation explicite des photographies positives que par l’évaluation implicite de ces mêmes stimuli. Les cartes d’activation sont présentées à un seuil de P < 0.001 (non corrigé pour les comparaisons multiples en utilisant le modèle RFX) auquel (a) le gyrus frontal supérieur (x = -8, y = 52, z = 10), (b) l’amygdale gauche (x = -20, y = -4, z = -15), (c) le gyrus frontal inférieur (x = 52, y = 32, z = 20) et le gyrus cingulaire antérieur (x = -4, y = 28, z = 25) ont été observés. Les cartes ont été superposées sur une coupe coronale d’une image T1 canonique. Les coordonnées (x, y, z) correspondent à l’espace MNI.

Se fondant sur nos prédictions, nous avons testé l’hypothèse de polarité pour deux aires cérébrales d’intérêt : (1) l’amygdale et (2) les gyri frontaux inférieur et moyen. L’effet de la polarité a été recherché selon deux approches.

La première approche a consisté à effectuer des contrastes directs comparant l’évaluation des événements négatifs et positifs en utilisant le modèle RFX. Les contrastes comparant l’évaluation explicite de ces événements a révélé que deux régions du gyrus frontal inférieur droit (x = 60, y = 12, z = 30; x = 36, y = 20, z = -20 P < 0.005 non corrigé) étaient plus activées par les stimuli négatifs que positifs. Ces résultats sont illustrés à la figure 5.11. Les contrastes comparant les réponses évoquées par les événements négatifs et positifs dans la condition d’évaluation implicite n’ont pas révélé d’activation différentielle dans les aires d’intérêt a priori (même à un seuil de P < 0.005 non corrigé avec le modèle FFX).

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Fig. 5.11 Dans la condition d’évaluation explicite, le gyrus frontal inférieur droit (x = 60, y = 12, z = 30, P < 0.005 non corrigé avec le modèle RFX). La carte d’activation est présentée à un seuil de P < 0.005 (non corrigé pour les comparaisons multiples en utilisant le modèle RFX) et superposée sur une coupe coronale d’une image T1 canonique. Les coordonnées (x, y, z) correspondent à l’espace MNI.

Puisqu’un des objectifs principaux de cette étude était de tester l’hypothèse de polarité en recherchant une asymétrie hémisphérique éventuelle, une analyse de variance ANOVA sur le nombre de voxels activés a été effectuée pour chaque région d’intérêt avec « hémisphère » et « polarité » comme facteurs. Pour déterminer le nombre de voxels activés dans l’amygdale de chaque sujet, une « correction sur petit volume (Small Volume Correction) » utilisant une sphère d’un rayon de 8mm a été appliquée aux valeurs p pour l’amygdale (p.ex., Morris et al., 2001b). Les coordonnées utilisées pour définir le centre de l’amygdale (x = ±20, y = -8, z = -13 dans l’espace de Talairach) étaient celles proposées par Phillips et al. (2001). Cette ANOVA n’a pas révélé d’effet significatif. En particulier, l’interaction des facteurs hémisphère et polarité n’était pas significative (F < 1). En utilisant une procédure comparable, nous souhaitions tester le modèle d’activation asymétrique antérieure proposé par Davidson (Davidson, 1995). Par conséquent, nous avons effectué une ANOVA sur le nombre de voxels activés dans les gyri frontaux inférieur et moyen avec « hémisphère » et « polarité » comme facteurs. Pour chaque sujet, nous avons vérifié que l’ensemble des activations présentes à un seuil d’intensité du voxel de P < 0.005 (non corrigé) et à un seuil d’étendue spatiale de 4 voxels contigus observé au niveau du cluster était à l’intérieur des gyri frontaux inférieur et moyen. Cette analyse a révélé une interaction des deux facteurs, F(1, 9) = 7.2, p < .025. Deux des quatre contrastes calculés étaient significatifs. Ces contrastes ont révélé que l’évaluation explicite des stimuli négatifs activait un nombre supérieur de voxels dans les gyri frontaux inférieur et moyen de l’hémisphère droit (en moyenne 30.8) que dans ceux de l’hémisphère gauche (en moyenne 14.7), F(1, 9) = 15.6, p < .004. De plus, les contrastes ont également révélé que plus de voxels des gyri frontaux inférieur et moyen de l’hémisphère droit étaient activés dans l’évaluation explicite des stimuli négatifs (en moyenne 30.8) que dans celle des stimuli positifs (en moyenne 16.2), F(1, 9) = 12.8, p < .007.