Evaluation émotionnelle explicite

Un réseau de structures cérébrales impliqué dans l’évaluation explicite des photographies négatives et positives a été identifié.

Nous interprétons la vaste activation observée dans les gyri occipitotemporaux latéral et médian comme reflétant les traitements visuels nécessaires à l’intégration des propriétés visuelles complexes des photographies de l’IAPS (voir p.ex., Bartels & Zeki, 1998). Une telle activation du cerveau visuel reproduit des résultats obtenus dans d’autres études utilisant des stimuli comparables (p.ex., Lane et al., 1997b; Simpson et al., 2000).

Le noyau caudé, qui est supposé être impliqué dans les émotions positives (voir Davidson & Irwin, 1999) et dans le traitement des stimuli positifs (p.ex., Hamann & Mao, 2002; Lane et al., 1997b), a répondu à la fois aux stimuli négatifs et positifs dans notre étude. L’activation du noyau caudé par les photographies négatives reproduit des résultats obtenus dans d’autres études (p.ex., Simpson et al., 2000) et suggère que cette structure n’est pas spécifique aux émotions positives.

Bien que l’activation du lobule pariétal supérieur n’ait pas été prédite, ce résultat est cohérent avec les résultats obtenus par Lang et al. (1998) qui ont montré que le traitement de photographies émotionnelles, mais pas neutres, du IAPS produisait une activité dans cette structure. De plus, Morris et al. (1998a) ainsi que Morris et al. (1999) ont observé que le traitement de visages exprimant la joie activait plus cette structure que le traitement de visages exprimant la peur. Il est également intéressant de noter que Beauregard et al. (2001) ont observé que cette structure était plus activée par le visionnage d’extraits de films érotiques que par le visionnage d’extraits de films émotionnellement neutres. Nos résultats étendent les données disponibles en suggérant que le lobule pariétal supérieur pourrait également être impliqué dans l’évaluation de stimuli négatifs.

Les gyri frontaux latéral et moyen étaient également constitutifs de ce réseau, reproduisant ainsi des résultats obtenus pour le traitement de stimuli négatifs (Canli et al., 1998; Simpson et al., 2000, Taylor et al., 1998) et positifs (Canli et al., 1998, Paradiso et al., 1999).

Un résultat essentiel de notre étude a été de montrer que l’amygdale répondait de façon bilatérale à l’évaluation explicite des stimuli non faciaux négatifs et positifs. Ce résultat appelle trois thèmes de discussion.

Premièrement, le fait que nous ayons observé, pour la première fois à notre connaissance, une réponse amygdalienne lors d’un jugement hédonique sur des photographies complexes est cohérent avec les résultats montrant une activation de l’amygdale lors de l’évaluation sur une échelle de stimuli comparables (p.ex., Liberzon et al., 2000; Taylor et al., 1998). Ainsi, ce résultat confirme que l’utilisation d’une tâche de visionnage passif (p.ex., Hamann & Mao, 2002) ou d’une tâche purement perceptive (p.ex.., Hariri et al., 2000) ne sont pas des contraintes nécessaires à l’observation d’une activation amygdalienne.

Deuxièmement, reproduisant un résultat obtenu dans d’autres études (p.ex.., Irwin et al., 1996), l’amygdale a répondu aux photographies négatives de façon bilatérale et non pas latéralisée à gauche. Bien que nous ayons obtenu une activation de l’amygdale gauche avec un seuil statistique plus stricte que celui qui nous a permis de révéler une activation amygdalienne droite, l’analyse ANOVA effectuée sur le nombre de voxels activés dans cette région n’a pas mis en évidence d’asymétrie hémisphérique. Le fait que nous ayons observé une activation bilatérale est à contraster avec le fait qu’une large majorité des études suggère un avantage de l’amygdale gauche par rapport à l’amygdale droite pour le traitement des stimuli négatifs. Sur la base des données disponibles concernant l’asymétrie hémisphérique de cette structure, on peut proposer que les différences dans les propriétés computationnelles attribuées à l’amygdale gauche vs droite (p.ex.,. Morris et al., 1996; Liberzon et al., 2000; Wright et al., 2001) reposent sur des différences dans les propriétés physiologiques (voir Schaefer et al., 2000) telle que la dynamique temporelle de la réponse (Phillips et al., 2001).

Troisièmement, un résultat important est que la réponse bilatérale de l’amygdale a été également évoquée par l’évaluation explicite des photographies positives. Ce résultat est cohérent avec un corpus de résultats issus de recherches chez l’animal (voir Davis & Whalen, 2001 ; Everitt et al., 2000) et chez l’homme suggérant une implication de l’amygdale dans le traitement de stimuli positifs tels que des visages exprimant la joie (p.ex., Breiter et al., 1996; Gorno-Tempini et al., 2001), des mots positifs (Hamann & Mao, 2002), des photographies positives (Hamann et al., 1999; Hamann et al., 2002; Garavan et al., 2001), des saveurs positives (O’Doherty et al., 2001), des extraits de videos érotiques (Beauregard et al., 2001; Karama et al., 2002), des films induisant l’amusement (Aalto et al., 2002), l’attente de saveurs positives (O’Doherty et al., 2002) et les récompenses (voir Small, 2002; Zalla et al., 2000). L’activation polarité-indépendante de l’amygdale, suggérée par les contrastes directs et les résultats de l’ANOVA, pourrait aider à interpréter des résultats existants ainsi qu’à construire de nouvelles procédures expérimentales en IRMf. Par exemple, Canli et al. (1998) ont demandé à leurs participants de traiter des blocs de photographies de l’IAPS négatives ou positives. Ces auteurs ont trouvé une absence d’activation amygdalienne dans leur étude pour le contraste comparant la réponse aux stimuli négatifs à la réponse aux stimuli positifs et l’ont interprétée comme indiquant que l’amygdale n’est pas nécessaire pour ressentir des affects négatifs. De façon alternative, le fait de considérer que l’amygdale répond aux stimuli positifs aurait conduit à la prédiction d’une absence de différence significative dans le contraste effectué par ces auteurs.