Un réseau activé préférentiellement par l’évaluation émotionnelle explicite

Pour tester l’hypothèse d’une implication différentielle des aires cérébrales engagées dans l’évaluation émotionnelle en fonction des contraintes attentionnelles, nous avons identifié les régions a priori qui étaient plus activées par l’évaluation explicite que par l’évaluation implicite. Notre raisonnement était le suivant : puisque les participants ont perçu le même ensemble de stimuli dans les deux conditions, alors les aires plus actives dans la condition d’évaluation explicite que dans la condition d’évaluation implicite sont des aires activées préférentiellement par la tâche d’évaluation émotionnelle explicite. Les comparaisons directes des conditions d’évaluation explicite et d’évaluation implicite ont révélé une modulation attentionnelle de l’évaluation émotionnelle.

L’activation du cortex cingulaire antérieur et du cortex préfrontal médian est particulièrement compatible avec les résultats de deux études qui ont observé des activations proches en utilisant des stimuli et des tâches similaires. En effet, Lane et al. (1997a) ont montré qu’une région du cortex cingulaire antérieur s’étendant au cortex préfrontal médian était plus activée lorsque les participants focalisaient leur attention sur la valence émotionnelle (négative, positive, ou neutre) que lorsqu’ils focalisaient leur attention sur l’organisation (intérieur, extérieur, ou ni l’un ni l’autre) de photographies émotionnelles de l’IAPS. En utilisant la même tâche, Gusnard et al. (2001) ont confirmé ces résultats et insisté sur l’importance du cortex préfrontal médian dans l’évaluation émotionnelle explicite. Nos résultats sont également compatibles avec les données montrant un rôle du cingulaire antérieur dans le traitement des représentations somatiques de second ordre (Critchley et al., 2001) ainsi que dans les mécanismes liés à la douleur (voir Peyron et al., 2000). Nos résultats pourraient refléter les fonctions du cingulaire antérieur et du cortex préfrontal médian dans l’expérience émotionnelle (Damasio et al., 2000; George et al., 1996; Ketter et al., 1996; Lane et al., 1998; Reiman et al., 1997) et suggèrent que l’évaluation émotionnelle pourrait recruter un réseau impliqué dans l’expérience émotionnelle. Ces résultats sont également compatibles avec notre proposition théorique selon laquelle le cingulaire antérieur et le cortex préfrontal médian sont des structures clés du sous-système de génération d’instructions émotionnelles.

Finalement, nos résultats suggèrent que le cingulaire antérieur et le cortex préfrontal médian sont des structures polarité-indépendantes et qu’elles pourraient constituer un réseau en interagissant avec l’amygdale et le gyrus frontal inférieur qui étaient également plus activés par l’évaluation explicite que par l’évaluation implicite. Comme cela a été proposé par Davidson et al. (2000), ce réseau pourrait faire partie du circuit neural sous-tendant la régulation émotionnelle.