La neuroscience cognitive, pilier des sciences affectives

L’émergence des « sciences affectives » s’explique par l’intérêt de considérer ces différents composants pour une compréhension intégrée des mécanismes émotionnels. Ainsi, des approches de psychologie cognitive, psychologie sociale, anthropologie, philosophie, neuropsychologie, psychiatrie, neuroscience affective, et neurosciences ont contribué à étudier la complexité des émotions.

Comme cela a été souligné dans l’introduction, Sander et Koenig (sous presse) ont proposé que la neuroscience cognitive puisse jouer un rôle majeur dans la résolution du «  ‘complexe d’infériorité induit par la complexité des émotions’  ». De part ses objectifs et ses méthodes, la neuroscience cognitive apparaît comme essentielle pour approcher les émotions en termes de système complexe.

Ses objectifs conduisent à effectuer une analyse computationnelle du système émotionnel se fondant sur la dissection fonctionnelle de la complexité de ce système. Ainsi, ce dernier est appréhendé dans sa globalité mais décomposé en sous-systèmes spécialisés dont les interactions sont spécifiées. La dynamique du système est considérée comme pouvant émerger selon deux processus. Le premier est un processus d’intégration physique au sein d’un sous-système donné. Un tel sous-système intègre les informations provenant de sous-systèmes distincts par convergence de connexions (voir p.ex., Bartels & Zeki, 1998). Le second est un processus d’intégration par synchronisation (voir p. ex., Varela, Lachaux, Rodriguez, & Martinerie, 2001). Dans ce cas, un état stable du système émotionnel correspond à un pattern particulier d’activation synchronisée de sous-systèmes distribués.

Certaines méthodes émergentes dans la neuroscience cognitive permettent de tester la complexité du système émotionnel humain. Ces méthodes se révèlent incontournables pour l’étude expérimentale des deux processus décrits ci-dessus. Deux classes de méthodes sont mises à profit dans cette démarche. La première relève de la modélisation et consiste à formaliser un fonctionnement cognitif particulier sous la forme de réseaux de neurones artificiels. Les processus d’intégration peuvent ainsi être simulés sur la base de données contraignantes issues de l’étude des systèmes naturels. L’étude comparée des algorithmes possibles ainsi que des différentes topologies de réseaux de neurones est alors susceptible de renseigner sur les modes d’intégration du système cognitif humain. La seconde classe de méthodes relève des nouvelles techniques d’analyse en imagerie cérébrale permettant d’identifier des relations spatiales, temporelles et causales entre assemblées neuronales. L’analyse des synchronisations de phases dans le signal EEG permet d’établir des relations temporelles entre sous-systèmes dans une tentative de mise en évidence de la dynamique d’un système dans sa globalité (Aftanas et al., 1998 ; voir Varela et al., 2001). L’enregistrement intracranien de l’activité électrique d’assemblées neuronales chez l’homme (p.ex., chez le patient épileptique) participe également à cette tentative avec une résolution spatiale et temporelle optimales. Grâce à cette technique, une modélisation satistique des structures activées dans un contexte donné (p.ex., une crise d’épilepsie) peut rendre compte de la séquence des activations et de la probabilité d’une causalité directe de deux activations (p.ex., Bartolomei, Wendling, Bellanger, Régis, & Chauvel, 2001). Une telle technique est particulièrement prometteuse dans l’étude de la complexité des émotions car ces enregistrements sont typiquement effectués dans le pôle temporal médian et concernent fréquemment l’amygdale. D’autre part, les méthodes statistiques qui visent à établir des relations de causalité entre régions cérébrales impliquées dans une tâche donnée ont connu un développement considérable pour l’analyse des données IRMf. Ces méthodes ont pour objectif d’établir une connectivité fonctionnelle entre régions cérébrales activées (Friston, Büchel, Fink, Morris, Rolls, & Dolan, 1997) et tolèrent que l’activation cérébrale associée aux fonctions cognitives suive une dynamique non-linéaire (Friston, Price, Fletcher, Moore, Frackowiak, & Dolan, 1996).