Plasticité auditive fonctionnelle induite par l’apprentissage

Une troisième forme de plasticité auditive fonctionnelle a été rapportée dans des contextes d’apprentissage. Les données de la littérature apportent en effet des arguments objectifs en faveur d’une réorganisation du système auditif chez les sujets entraînés à une tâche auditive ou bien conditionnés à un stimulus sonore. Ainsi, l’étude des champs récepteurs fréquentiels de A1 chez le cobaye adulte montre une augmentation spécifique et durable des réponses neurales à un son pur utilisé comme stimulus conditionnant, alors que celles à la fréquence caractéristique (CF) initiale diminuent (Edeline, 1999 ; Edeline et coll., 1993; Galvan & Weinberger, 2002 ; Weinberger & Bakin, 1998). Chez le singe hibou adulte, Recanzone et coll. (1993) ont montré une amélioration des performances de discrimination fréquentielle consécutive à un entraînement à cette tâche. L’apprentissage consistait pendant plusieurs semaines à entraîner 5 singes à discriminer, au sein d’une bande fréquentielle fixée (centrée sur 2,5 KHz, 3 kHz, 5 kHz ou 8 kHz), des différences en fréquence de plus en plus petites. A la fin de la période d’entraînement, des enregistrements de réponses électrophysiologiques unitaires, effectués à l’aide d’électrodes de recueil positionnées dans A1 chez 3 des 5 singes entraînés, ont montré que l’amélioration perceptuelle observée était corrélée à une augmentation de la représentation de la bande fréquentielle d’entraînement.

Chez l’humain, après un entraînement de 3 semaines à la discrimination fréquentielle, on observe une augmentation de l’amplitude de l’onde N100 (originaire en partie du cortex auditif primaire) et de l’onde négative de discordance (“ mismatch negativity ”) lorsqu ‘on présente de façon inopinée des sons de 1005, 1010 et 1050 Hz au sein d’une séquence de sons “ standards ” de 1000 Hz (Menning et coll., 2000). De récentes études de magnéto-encéphalographie (MEG) ont permis d’objectiver des phénomènes de plasticité auditive à court et à long terme. L’exposition, pendant seulement quelques heures, à des séquences musicales amputées d’une bande fréquentielle (“ notch ”) entraîne une diminution immédiate de la représentation neurale du “ notch ” dans le cortex auditif (Pantev et coll., 1999). Chez le musicien confirmé, la représentation corticale en MEG de sons musicaux de timbres différents est plus importante que celle de sons purs sinusoïdaux, notamment pour les timbres correspondant à l’instrument dont il joue (Pantev et coll., 2001a; Pantev et coll., 2001b).

Dans ce travail, nous traiterons principalement de la plasticité auditive fonctionnelle induite par la privation sensorielle chez le sujet cochléo-lésé. Nous aborderons également les conséquences de la réhabilitation auditive chez l’enfant implanté cochléaire au moyen de l’électrophysiologie.