Repousse neuronale

La possibilité d’un mécanisme de repousse neuronale sous-jacent aux mécanismes de plasticité auditive repose sur l’hypothèse d’une infiltration de la région du cortex auditif déafférentée - devenue vacante secondairement à une lésion cochléaire localisée - par des branches terminales provenant des axones des neurones adjacents représentant des segments cochléaires intacts. Cette néo-synaptogénèse permettrait d’expliquer les modifications plastiques des cartes tonotopiques en faveur des fréquences qui bordent la région cochléaire lésée.

Des processus de repousse neuronale ont pu être mis en évidence sur des modèles animaux, au niveau du tronc cérébral. Chez le chinchilla adulte soumis à un traumatisme acoustique, on observe dans un premier temps une dégénération des cellules sensorielles du tour basal de la cochlée et des fibres du nerf cochléaire conduisant à une déafférentation du noyau cochléaire après un délai de 2 mois, une repousse axonale au niveau du noyau cochléaire et l’apparition de nouveaux boutons synaptiques (Bilak et coll., 1997). Des processus de synaptogénèse ont également pu être mis en évidence dans le noyau cochléaire après ablation de la cochlée chez le cobaye adulte (Benson et coll., 1997).Chez le rat cochléo-lésé, on observe une ré-expression de protéine GAP-43, un facteur de croissance présent à forte concentration dans les noyaux auditifs du tronc cérébral en période périnatale, au niveau des fibres du noyau cochléaire ventral ipsilatéral et des neurones du complexe olivaire supérieur (Illing, 2001; Illing & Horvath, 1995; Illing et coll., 1997). Néanmoins, chez la souris C57 adulte, il n’a pas été retrouvé de modifications des projections du noyau cochléaire vers le colliculus inférieur (Willott, 1996; Willott et coll., 1985). Dans l’hypothèse d’un processus de repousse neuronale, les axones se projetant dans la région du colliculus inférieur dévolue aux fréquences aiguës auraient dû provenir, une fois la surdité sur ces fréquences installée, de la région du noyau cochléaire dévolue aux fréquences intermédiaires.

Si la théorie de la repousse neuronale reste séduisante en cas de plasticité induite par la réhabilitation auditive ou bien l’apprentissage, elle s’accommode mal des phénomènes de plasticité de privation qui peuvent survenir immédiatement après une déafférentation sensorielle ou sensori-motrice (Calford & Tweedale, 1988, 1991; Chino et coll., 1992; Gilbert & Wiesel, 1992).