Influence de l’utilisation d’indices de sonie

Une autre interprétation possible de l’amélioration locale des DLFs repose sur l’hypothèse que les sujets testés aient pu fonder leurs jugements lors de la tâche de discrimination fréquentielle non pas sur des différences de hauteur mais sur des indices de sonie. Dans l’étude n°1, tout en gardant à l’esprit la nécessité d’un compromis entre le souci de précision de nos mesures et celui de leur faisabilité, nous avions pourtant pris 2 précautions :

  • la 1ière était de ne pas présenter les stimulus à un niveau physique (SPL) constant, ce qui aurait eu pour effet systématique de générer des variations de la sensation de sonie d’une fréquence à l’autre en particulier chez les sujets dont la pente de la fonction de sonie se modifiait en fonction de la fréquence (McDermott et coll., 1998); au lieu de cela, les stimulus étaient présentés à un niveau de sonie constant, en utilisant la courbe d’isosonie établie pour chaque sujet avec une précision de ½ octave;
  • la 2nde était de randomiser le niveau de présentation des stimulus de +/- 3 dB.

Pour autant, ces précautions ne nous permettaient pas d’exclure formellement la présence résiduelle d’indices de sonie, notamment dans les régions fréquentielles correspondant à un changement brutal de la pente de la perte à l’audiogramme. En effet, la précision des courbes d’isosonie (½ octave) ne pouvait tenir compte des modifications rapides de la sensation de sonie susceptibles de survenir à proximité de Fc. Par ailleurs, la randomisation d’intensité de 6 dB, également utilisée par McDermott et coll. (1998), était insuffisante pour neutraliser complètement les différences inter -fréquences de sensation de sonie d’une fréquence à l’autre (Green, 1998). Le fait que l’amélioration locale des DLFs soit significative seulement chez les patients présentant une pente de perte raide aurait donc pu s’expliquer par l’utilisation accrue d’informations de sonie au niveau de la coupure de l’audiogramme, amputant considérablement l’idée d’une réorganisation corticale sous-jacente.

Pour lever définitivement le doute, nous nous sommes résolus, dans l’étude n°2, à tester un nombre restreint de sujets en affinant notre méthodologie, la précision de la procédure d’égalisation de sonie étant portée à 1/8 d’octave et le niveau de randomisation d’intensité lors de la mesure des DLFs à +/- 6 dB. Ces ultimes précautions ont permis, en confirmant l’effet Fc chez les 5 sujets testés, d’apporter un sérieux argument à l’hypothèse d’une réorganisation de la tonotopie de A1 chez le sujet cochléo-lésé.