2) Facteurs du développement intellectuel

J. Piaget et P. Fraisse (1969) considèrent que l'intelligence est issue de l'action physique du sujet sur son milieu, puis de l'intériorisation de cette activité. Les expériences effectuées par l'enfant (ainsi que ses déductions après 7-8 ans) lui permettent de découvrir, d'abstraire les propriétés des objets et des actions effectuées sur les objets, et donc de les comprendre.

L'intelligence ne se développe pas en copiant le réel, mais en le structurant en systèmes de plus en plus complexes qui englobent les structures antérieures et qui déterminent une succession de stades dans les divers domaines d'acquisition.

L'ordre régulier des étapes indique que ce processus est lié à la maturation naturelle, en particulier celle du système nerveux.

En effet, à la naissance, le système nerveux du nourrisson est inachevé et au cours des années suivantes, surtout jusqu'à 5-6 ans, période sensible, les fibres nerveuses complètent leur myélinisation et entrent en connexion avec d'autres fibres. Mais la maturation n'explique pas pourquoi les enfants n'accèdent pas tous au même âge aux différents stades.

Selon cet auteur, le facteur principal de l'évolution intellectuelle est un processus interne au sujet, "l'équilibration par auto-régulation".

On ne peut comprendre la construction intellectuelle de l'enfant sans tenir compte de ce processus qui constitue la trame de l'évolution des structures mentales.

Piaget définit ainsi l'autorégulation : face à un nouvel objet de connaissance qui entraîne perturbations et conflits cognitifs dans le système que l'enfant avait jusqu'alors établi, ce dernier réagira par une compensation du déséquilibre cognitif engendré en essayant de s'approprier, de transformer la nouveauté qui se présente à lui. Et c'est cela qui permet l'évolution du niveau cognitif du sujet ; confronté à une demande cognitive supérieure, il accroît son potentiel de connaissances et complexifie les schèmes de traitement de l'information.

Ces nouvelles acquisitions marquent le passage à d'autres étapes que Piaget a décrites précisément. Par ailleurs, dans ce principe d'équilibration, pour pouvoir incorporer et organiser l'information, l'enfant procédera selon deux mécanismes qui le posent en tant que "reconstructeur permanent" de son savoir ; il s'agit de l'assimilation et de l'accomodation orientées vers la création de schèmes.

"L'assimilation" est l'action du sujet sur les objets ou les situations, de manière à les incorporer à une structure préexistante interne. Cette nécessité est imposée par le besoin de réactualiser les schèmes d'actions qui s'appliqueraient à des objets anciens, différents des objets nouveaux.

Ainsi, à cause de ces différences, l'enfant rencontre dans son cheminement des résistances, de nouveaux problèmes qui l'amènent à affiner et diversifier sa "palette" de schèmes d'actions. Ce processus caractérise alors "l'accomodation", où la structure mentale du sujet va se modifier en fonction des modifications du milieu (adaptation).

Les transmissions sociales, et plus particulièrement scolaires, sont fondamentales pour le développement intellectuel, mais elles sont inefficaces sans une assimilation active de l'enfant. Or cette assimilation suppose que le sujet ait auparavant construit les structures cognitives où ces informations prendront sens.

Loin d'être seulement passif et réceptif aux stimulations de son environnement, l'enfant est "l'artisan de sa construction intellectuelle" et, par son activité cognitive, il assure d'incessantes restructurations de son milieu. Dans cette psychologie d'adaptation active, c'est l'expérience personnelle qui est à la base de l'acquisition du savoir.

Inscrivant l'homme comme visée ultime de l'enfant, la psychologie génétique ne peut que saisir le sujet dans le cadre d'un développement qui, d'emblée, pose celui-ci comme un être inachevé ou en voie d'achèvement. Tel est le postulat qui sous-tend les théories piagétienne et wallonienne.

Quel que soit le modèle proposé, l'étude porte sur l'évolution des conduites de croissance, évolution centrée sur le passage de l'action à la pensée, et articulée à la notion de stades ou d'étapes.