I - Regards historiques

A - Essai de définition

Voici plus d'un siècle, à l'époque de Jules Ferry, les missions du système éducatif s'organisaient autour des objectifs fondamentaux : apprendre à lire, écrire et compter. Aujourd'hui comme hier, personne ne conteste l'importance et la nécessité d'une connaissance solide de la langue écrite, base de tous les apprentissages ultérieurs. En effet, l'apprentissage de la lecture n'est pas considéré comme un apprentissage scolaire comme les autres, pour deux raisons essentielles : (1) il correspond à la première mission de l'école, étant considéré comme la base ou la clé de tous les autres ; (2) parce que l'écrit et sa lecture occupent une grande place dans la vie des sociétés développées dès le plus jeune âge.

Mais sur certains points, une évolution a eu lieu dans l'approche de l'apprentissage et de l'enseignement de la langue écrite. Pendant de longues années, deux conceptions du "lire" se sont affrontées, à travers leur application dans les méthodes d'apprentissage de la lecture.

La première centrée sur le code, la seconde, defendant l'accès au sens.

En effet, jusqu'à la Libération, la pédagogie de la lecture se centrait sur la capacité à lire un texte court, "sans trébucher" et "en mettant le ton". Dans les années 1970, apprendre à lire se résumait encore à acquérir un mécanisme : identifier les lettres, les assembler en syllabes puis en mots.

Or, depuis une quinzaine d'années environ, les chercheurs ont mis en évidence que lire est une activité plus complexe. A partir de là, les stratégies d'enseignement se sont modifiées ; les enseignants ont tenté de mettre en place des procédures d'apprentissage susceptibles de faire travailler d'emblée la compréhension.

Ce souci est transcrit dans les textes officiels de 1985 : “lire, c'est comprendre” et ceux de 1995 qui établissent clairement l'objectif à atteindre par la formule “lire, c'est pour comprendre”. L'identification du mot est donc nécessairement celle de son sens, et on ne peut plus limiter l'acte de lecture à un problème de mécanique ou de mécanismes.

La lecture peut donc être définie comme une construction de significations, réalisée par un sujet (le lecteur) à partir d'un texte (écrit). Elle est le fruit d'une interaction entre les données propres au texte et les connaissances du lecteur (linguistiques et extra-linguistiques), en fonction des buts qu'il poursuit à travers cette lecture.

Cette définition conduit à différencier deux grandes familles de processus cognitifs dans l'activité mentale du lecteur : les processus de bas niveau qui traitent les données graphiques de l'écrit, et les processus de haut niveau qui permettent la mobilisation des connaissances du sujet et qui gèrent ses procédures de raisonnement.