B - Modèle à deux procédures indépendantes de lecture

Elaboré selon une conception neuropsychologique de la lecture chez l'adulte, le modèle à deux voies de J. Morton (1989) décrit deux procédures de traitement des mots écrits qui peuvent fonctionner en parallèle.

Ce modèle suppose l'existence de deux médiations pour la lecture (cf. figure 1) :

Figure n° 1 - Modèle à deux voies de J. Morton
Figure n° 1 - Modèle à deux voies de J. Morton

La procédure lexicale ("directe" ou "d'adressage") permet de lire les mots familiers réguliers ou non. C'est une voie d'accès directe au lexique interne : l'analyse visuelle du mot entraîne l'activation de sa représentation orthographique stockée en mémoire à long terme et sa réalisation orale. Le lecteur obtient donc la phonologie globale du mot directement à partir du stimulus écrit.

Cette procédure est sensible à la fréquence d'usage des mots et au statut lexical des séquences orthographiques ; un mot inconnu ou un pseudo-mot, n'étant pas représentés lexicalement, doivent être traités autrement.

La lecture des mots irréguliers se fonde sur le principe de l'adressage uniquement.

La procédure phonologique ("indirecte" ou "d'assemblage") permet la lecture de mots réguliers, des mots inconnus et des non-mots. C'est une voie de recodage phonologique régie par les règles de conversion graphèmes-phonèmes.

Tout comme dans la procédure d'adressage, le mot est en premier lieu soumis à une analyse visuelle. Trois étapes se succèdent jusqu'à sa production orale :

La lecture des mots inconnus ou des logatomes est possible à partir de cette seule voie.

Au début de l'apprentissage de la lecture, le lexique orthographique de l'enfant est peu développé et ne permet pas l'utilisation de la procédure d'adressage dans l'acte de lire. Dans la mesure où la plupart des mots qu'il rencontre à ce moment là lui sont inconnus, l'enfant a donc essentiellement recours à la voie phonologique pour les identifier.

Le lecteur habile, quant à lui, s'est constitué un stock important de représentations orthographiques de mots désormais accessibles en identification directe.

Le lecteur expert est capable d'utiliser harmonieusement les deux voies de lecture.

Le but de l'apprentissage est d'installer un adressage de plus en plus rapide et correct pour des unités de plus en plus longues, et un assemblage précis pour vérifier l'adressage, le rectifier en cas de besoin et décoder des mots nouveaux. Un bon adressage est le résultat d'un bon déchiffrage, et non d'une devinette basée plus ou moins sur le sens ou sur une forme approximative. Un déchiffrage qui atteint son but suppose le contrôle par le sens.

Dans le modèle de A. Caramazza et G. Miceli (1989) concernant la production d'écrits, l'orthographe d'un mot serait récupérée par adressage. Les morphogrammes et logogrammes seraient donc gérés par la voie lexicale. Ce modèle expliquerait ainsi la capacité des enfants à produire des mots mémorisés sous une forme globale.

Dans l'orthographe par assemblage, la séquence de lettres produite est le résultat d'une segmentation du stimulus en unités phonologiques, puis d'une traduction de ces segments en graphèmes. Cette voie phonologique serait donc construite à partir du moment où l'élève est capable de distinguer les phonèmes et surtout d'avoir des activités réflexives sur la langue et son utilisation.

Le prénom est le plus souvent produit grâce à une procédure d'adressage, car l'enfant mémorise la succession des formes, des gestes ou encore des lettres, pour produire un écrit.

Comme nous l'avons vu, sous divers aspects, la lecture est irréductible à un simple déchiffrage ; les éléments reçus prennent leur valeur, une fois intégrés dans une structure sémantico-syntaxique. La lecture "courante" est réalisable quand le lecteur sait émettre des hypothèses à partir d'indices qu'il doit détecter, reconnaître et comprendre.

Dans le cas de la lecture, les modèles à deux voies ont été l'objet de nombreuses critiques.