I - Irrégularités de l'orthographe française et incidences

L'orthographe renseigne précisément sur la nature linguistique d'un système d'écriture.

Plus qu'une affaire de norme, l'orthographe rend le sens visible. Sa maîtrise et son traitement exigent que l'on soit conscient de ses règles pour que certaines formes soient mémorisées (J.-P. Jaffré et M. Fayol, 1997).

La présence d'irrégularités dans les correspondances phonèmes/graphèmes permet de situer les systèmes alphabétiques sur un continuum allant des systèmes orthographiques superficiels aux systèmes orthographiques profonds (J.-P. Jaffré et M. Fayol, 1997 ; L. Rieben, M. Fayol et C. A. Perfetti, 1997).

Dans les systèmes orthographiques dits superficiels comme le finnois ou le serbo-croate, la langue est représentée au niveau phonologique. Par contraste, les systèmes orthographiques dits profonds, parmi lesquels l'anglais et le français, représentent en plus du niveau phonologique des aspects morphologiques et syntaxiques. Par conséquent, il n'existe pas dans ces langues de correspondance biunivoque entre les sons et les symboles.

Le français écrit renvoie donc à une forte polyvalence graphique (S. Bousquet, D. Cogis, D. Ducard, J. Massonnet et J.-P. Jaffré, 1999).

Ainsi J. Véronis (1988) a montré que l'application des seules règles de transcription son-orthographe en français permettait la transcription correcte de 88% des phonèmes mais de seulement 50% des mots, d'où les problèmes soulevés pour l'apprentissage de l'orthographe.

L'analyse des erreurs orthographiques fait apparaître qu'il existe, dans un système d'écriture particulier, des zones de fragilité pour certaines configurations, sur lesquelles même des scripteurs experts manifestent des hésitations.

Ces zones de fragilité concernent essentiellement des variations graphiques pour lesquelles il n'existe pas conjointement de variations ou d'informations sonores (J.-P. Jaffré et M. Fayol, 1997).

La plupart des modèles d'apprentissage de la lecture et de l'écriture postulent un apprentissage en stades, dont la correspondance avec le modèle des deux voies est claire. Ces stades correspondent à l'utilisation de différents types d'information.

Le développement de l'orthographe débuterait avec un stade d'utilisation systématique des correspondances phonèmes/graphèmes, renvoyant à la voie phono-graphémique. Un stade orthographique apparaîtrait ultérieurement lorsque les enfants disposent d'un corpus de mots suffisants. Il se traduirait par la connaissance de certaines séquences particulières de lettres et par des appariements directs entre mots écrits et items stockés en mémoire lexicale. Une telle conception est aujourd'hui fortement contestée. Elle conserve toutefois un certain intérêt descriptif.