C - Morphogrammes grammaticaux

Ce sont des désinences graphiques supplémentaires ajoutées aux mots selon les rencontres des parties du discours (marques de genre, de nombre, flexions verbales). Ils sont donc en relation avec la morphosyntaxe du texte. Ils représentent les variantes allomorphes du mot dans des relations de dépendance. Cependant leur fonctionnement est plus régulier que celui des morphogrammes lexicaux. Ils sont en outre liés eux aussi à l'oral ; mais à l'oral, la morphologie syntaxique est dite "clignotante" : elle est prononcée parfois mais elle ne l'est pas systématiquement (ex : petits chats [poti∫a] ; petits ours [potizuRs]).

Par ailleurs, le fonctionnement de la morphologie du français se fait selon deux principes : par adjonction et il y a donc association d'un morphème à un lexème (ex : rose/roses, ami/amie), ou par amalgame et dans ce cas les frontières entre morphèmes et lexèmes sont plus floues (ex : acteur/actrice, tendre/tenez).

Ainsi les marques morphologiques ne présentent pas le même degré de complexité selon leur fonctionnement, et ceci est mis en évidence au moment de l'acquisition ; il est plus facile d'acquérir l'orthographe "morphologique" de mots où se juxtaposent une forme lexicale (ex : maison) et une forme grammaticale (ex : -s), qu'un mot dont le radical peut s'écrire différemment selon les situations (ex : verbe prendre ⇒ prend-, pren-, prenn-).

Une autre caractéristique facilite la maîtrise des morphogrammes ; c'est le caractère audible de certains d'entre eux.

Nous désignerons sous le terme de "morphonogrammes" les graphèmes qui véhiculent à la fois une information syntagmatique (monèmes pluriel et/ou personnels) et une information phonétique (par exemple -ez [e] en finale du verbe conjugué, avec "vous").

La présence de l'oral dans l'écrit conserve ici toute son importance. Selon J.-P. Jaffré (1992b), les morphonogrammes (comme le "ai" de "chantais") sont acquis plus tôt que les morphogrammes (comme le "s" de "chantais").

«Tout semble se passer en effet comme si la présence phonogrammique permettait de déclencher l'élément graphique correspondant, évitant l'omission, source la plus fréquente d'erreurs en morphologie écrite» (ibid., p. 31).

Pour ce linguiste (1995, p. 117), «la maîtrise des morphèmes constitue sans aucun doute la plus grande difficulté de l'orthographe du français».