I - Intégration des générations successives en France

A - Première génération

A leur arrivée, les Arméniens furent souvent mal perçus dans les petites villes de province ou de banlieue. Les Français, en général, ignoraient plus ou moins d'où ils venaient, les prenaient pour des Juifs, des Turcs ou des Bohémiens. Pour les Français de souche, leur arrivée de Turquie, quelques années après la guerre de 1914-1918, les rendait suspects et certains se demandaient s'ils étaient alliés des Allemands (A. Roze, 1995).

Matériellement, les réfugiés arméniens avaient tout perdu en quittant la terre qui était leur patrie depuis 25 siècles.C'est pourquoi cette génération a nourri une seule ambition : rester discrète et travailler pour vivre.

Cette population s'est regroupée autour des villes du couloir rhodanien, des Bouches-du-Rhône et de l'Ile de France, démontrant sa volonté de réorganisation d'une communauté (M. Hovanessian, 1992). Cette communauté a vécu en vase clos, sans pouvoir se mêler à la population française à cause de la barrière linguistique et de coutumes différentes. La fréquentation presque exclusive des compatriotes l'a maintenue loin du risque, de la tentation même, d'une assimilation pure et simple.

Jusqu'à la Seconde Guerre Mondiale, les Arméniens fixés en France considéraient leur séjour comme temporaire. Vivant en diaspora, leur intégration devait rester hors du principe de l'assimilation. Au delà du maintien de la culture, la conscience nationale était entretenue et ravivée par la reconstitution, dans l'Hexagone, des partis politiques interdits en Arménie Soviétique et en Turquie.

L'appel de Staline, en 1945, divisa la communauté sur l'opportunité de ce "retour". La plupart de ceux qui étaient en France venaient de la partie turque de l'Arménie et il était donc exclu, pour eux, de retrouver les lieux où avaient vécu leurs ancêtres. Seule l'Arménie Soviétique subsistait. Certains quittèrent donc leurs villes de province et se regroupèrent à Marseille pour le départ. L'échec et les désillusions de ce retour mirent fin, pour l'ensemble des Arméniens de France, à l'espoir de revivre un jour "chez eux" ; ils prirent tous conscience de leur installation définitive.