B - Demandeurs d'asile

Ils ont décidé de quitter leur pays dans l'espoir d'une vie "meilleure". Leur famille constitue le moteur des projets d'émigration. Les Arméniens viennent la rejoindre dans le cadre du regroupement familial, ou bien émigrent pour apporter à leur famille déjà construite un avenir plus sûr.

Dès leur arrivée, ils sont acheminés vers des centres de transit. Au cours de ce séjour, on décide de leur orientation. Plusieurs solutions sont envisagées :

– une solution individuelle pour ceux dont la famille est susceptible de s'occuper,

– une solution "spécifique" de placement en établissement ou de parrainage par des familles françaises est appliquée aux mineurs, handicapés et personnes âgées.

Comme cela s'est passé pour les Arméniens du Proche-Orient, certains évitent le contact avec les nouveaux-venus, adoptant une attitude méprisante. Quelques-uns rejettent l'immigrant "économique" en le considérant comme faisant partie d'une couche sociale et intellectuelle différente, voire inférieure.

Par ailleurs P. Manoukian (1983) précise que les Arméniens de la diaspora considèrent l'Arménie comme un pays où l'on peut continuer à s'épanouir sans trop risquer de s'assimiler ; «une sorte de réserve, visitable l'été, un dernier espace naturel, où peu consentiraient à se laisser enfermer, mais dont tous acceptent l'utilité».

La langue orientale des migrants arméniens est parfois considérée, par les Arméniens de la diaspora, comme un "dialecte inférieur". Bien que le système phonologique, les désinences nominales, la formation des temps et une partie du vocabulaire de base diffèrent en arménien occidental et oriental, l'intercompréhension reste cependant tout à fait aisée.

Ainsi, la société d'accueil marginalise trop souvent l'immigrant, mais aussi certaines catégories de sa propre communauté.

R. Tirel (1999) souligne un fait similaire dans un article sur les pêcheurs italiens venus travailler en France en 1880 ; ceux-ci étaient stigmatisés et qualifiés "d'étrangers" par des pêcheurs, eux-mêmes italiens vingt ans auparavant. Ils critiquaient leurs techniques de pêche, leur façon de travailler, leurs mœurs.

Cependant A. Dédeyan (1998, p. 32) explicite l'état d'esprit de ces migrants, «porteurs d'une vision idyllique» de l'Occident, espace du "tout-possible-et-disponible", «persuadés quelque part que la diaspora ne pourrait faire autrement que rester constamment à l'écoute de leurs besoins, en s'appliquant à satisfaire leurs moindres désirs».

Le danger que provoque le migrant, par sa seule présence – danger de la nouveauté, de l'altérité, de la remise en cause de soi – pousse à l'écarter, et davantage encore, à le déprécier, à en faire un bouc émissaire.

La migration pose donc de nombreux problèmes : celui du rapport à l'espace, au territoire, à l'Autre, mais peut-être davantage encore, par l'effet de miroir, la confrontation à d'autres réalités : la migration renvoie le sédentaire à ses propres pratiques.