I - Définitions et classifications

A - Concept de bilinguisme

Le bilinguisme a été longuement étudié dans les pays monolingues comme un problème socioculturel lié à la population des immigrés.

En premier lieu, on a souligné les effets négatifs du bilinguisme sur la scolarité et le développement cognitif et social de l'enfant.

Ce n'est qu'à partir des années 1970 qu'on constate un changement radical vis-à-vis du bilinguisme, et un développement accru des recherches sur ce thème en sociolinguistique et psycholinguistique.

C'est ainsi que l'intérêt actuel pour l'étude des phénomènes du bilinguisme n'est plus seulement d'ordre psychologique ou anthropologique, mais aussi d'ordre pédagogique et didactique. La prise de conscience de l'importance qu'il y a à connaître plusieurs langues dans le monde d'aujourd'hui pose le problème des méthodes les mieux adaptées pour produire chez l'étudiant un état d'apprentissage aussi semblable que possible à celui de l'individu bilingue.

Mais que doit-on entendre exactement par bilinguisme ?

Selon T. Todorov (1985, p. 11), «le bilinguisme désigne l'emploi de deux langues par un même sujet». Il se définirait par la capacité qu'a un locuteur ou une communauté d'utiliser alternativement deux systèmes linguistiques.

Pour A. Tabouret-Keller (1968, p. 137), le bilinguisme est «le fait général de toutes les situations qui entraînent la nécessité de l'usage parlé et, dans certains cas, écrit de deux ou plusieurs langues par un même individu ou un groupe».

M. Siguan et W.F. Mackey (1986, p. 11), appellent «bilingue la personne qui, en plus de sa première langue, possède une compétence comparable dans une autre langue, et qui est capable d'utiliser l'une ou l'autre en toutes circonstances avec une efficacité semblable». Et ils s'empressent de souligner qu'il s'agit là d'un bilinguisme parfait ou idéal.

«Le vrai bilinguisme, selon R. Titone (1972, p. 50), comporte non seulement le domaine structural de deux codes linguistiques, mais, plus profondément, la possession hautement personnalisée de deux systèmes de pensée, et dès lors de deux cultures. Le vrai bilinguisme est en même temps "biculturalisme". Ce n'est que dans ce sens que le bilinguisme, plutôt que de représenter un obstacle pour le développement de l'individu, représente un enrichissement de la personnalité».

A l'opposé de ces définitions qui ne retiennent que les bilingues parfaits, certains auteurs estiment que le bilingue est quelqu'un qui possède une compétence minimale dans une des quatre habiletés linguistiques (comprendre, parler, lire et écrire) dans une langue autre que sa langue maternelle.

Ces différentes définitions constituent les deux pôles d'un continuum allant d'une compétence de locuteur natif dans les deux langues à une compétence minimale dans la langue seconde, et sur lequel s'échelonnent toutes les autres définitions, un ensemble de positions variables sur ce continuum.

Le bilinguisme, écrit d'ailleurs W.F. Mackey (1976, p. 372), est "un concept relatif".

Plusieurs types de bilinguisme sont donc possibles en regard du degré de maîtrise qu'a le locuteur de chacune des langues, et/ou des interférences phonétiques, sémantiques et/ou syntaxiques entre les systèmes linguistiques.