3) Age d'acquisition des deux langues

Le cas le plus fréquent est le bilinguisme infantile, au cours de la petite enfance. Les neuropsychologues s'accordent pour le préconiser. Pour les uns, les très jeunes cerveaux ont une plasticité unique, qui se perd avec l'âge. Pour les autres, plus la seconde langue est acquise tôt, plus elle aura de chances de se développer dans la même harmonie que la première.

Si dès la naissance, l'enfant est confronté simultanément et avec une intensité égale à deux langues différentes, on parlera dans ce cas de bilinguisme précoce simultané ; il permet la maîtrise de deux systèmes verbaux indépendants, une séparation nette des deux codes, et le passage rapide de l'un à l'autre.

En revanche, si la seconde langue est introduite tôt dans l'enfance mais après l'acquisition des bases de la langue maternelle, il sera question alors de bilinguisme précoce consécutif. L'on retrouve ce cas de figure lorsqu'un enfant, issu d'une famille unilingue, découvre à son entrée à l'école une seconde langue. En étant plongé ainsi, effectivement et naturellement dans la langue d'enseignement de la communauté qui l'entoure, un déséquilibre de fonction et d'usage s'instaurera entre les deux, lié à cette situation sociale.

Selon le chercheur Swain (in J.-F. Hamers et M. Blanc, 1983), il n'existerait pas de différence entre l'acquisition simultanée de deux langues et celle d'une seule langue. En effet, il suggère l'hypothèse d'une grammaire mentale unique pour les deux, qui fonctionnerait comme deux codes d'une même langue. Sans doute serait-il plus exact de parler de l'existence d'une structure sémantique représentative unique susceptible de se mouler dans deux grammaires différentes, ce qui va dans le sens du point de vue holistique et précise celui de Swain.

Dans tous les cas, pour maintenir véritablement un bilinguisme, il est indispensable d'acquérir les deux langues par imprégnation et par enseignement, de les entretenir et de les renforcer dans des activités équivalentes. Le bilinguisme "vrai" est plus un état vers lequel on tend qu'un état de fait, comme d'ailleurs le développement normal du langage chez l'enfant.

Les modalités d'acquisition sont capitales pour la compréhension du développement linguistique de l'enfant bilingue et les travaux qui s'y rattachent fourmillent d'informations pertinentes. Cependant, les sujets d'étude de notre recherche ont dépassé ces phases initiales ; aussi éviterons-nous de nous y attarder.