B. Les espaces de sociabilité.

Pour connaître les lieux où se rencontre et se retrouve quotidiennement le voisinage, les archives judiciaires de la Sénéchaussée criminelle s'avèrent, une fois encore, particulièrement précieuses. De nombreuses indications parsèment les procédures pénales qui informent sur les fréquentations et sur les relations qu'établissent entre eux les habitants de la cité. En sélectionnant rigoureusement toutes les rencontres qui associent des voisins, c'est-à-dire des hommes et des femmes demeurant dans les mêmes immeuble, rue ou quartier, il est possible de dresser un tableau précis des espaces au sein desquels se déroulent ces retrouvailles journalières. Le dépouillement, effectué pour une période de 15 ans (1776-1790) a permis de recenser 1312 entrevues fortuites ou volontaires, ayant eu pour cadre l'intérieur ou l'extérieur de l'immeuble. Leur répartition au sein de ces deux grands ensembles spatiaux se présente de la façon suivante :

Graphique 6.
Graphique 6.

Les chiffres sont éloquents : d'après les renseignements glanés dans les archives criminelles, une majorité de rencontres se déroule à l'extérieur de la maison : 58% d'entre elles se situent en dehors du lieu d'habitation, avec des différences sensibles, d'ailleurs, entre les sexes sur lesquelles on reviendra plus loin. Tous ces contacts extérieurs mettent en évidence une certaine primauté du « dehors » sur le « dedans » et montrent que de nombreuses activités s'accomplissent hors du foyer domestique. D'autre part, ils témoignent de la liberté avec laquelle les Lyonnaises et les Lyonnais usent de l'espace urbain. Toute proportion gardée et bien que les conditions d'existence soient très différentes à Lyon et dans la capitale, la population lyonnaise évoque le peuple de Paris et sa propension à ne pas se laisser enfermer dans un cadre géographique étroit ( 432 ). La place qu'occupent les espaces extérieurs à la maison dans les rapports entre voisins compose un des traits caractéristiques de la vie quotidienne et modèle une façon de vivre originale. C'est pourquoi, l'examen détaillé de ces lieux est nécessaire.

Notes
432.

() Farge (A.), Vivre dans la rue, op. cit., pp. 21- 40.