1. Les principaux motifs des plaintes.

Les plaintes à caractère financier ou « économique » se répartissent de la façon suivante :

Graphique 26
Graphique 26

Trois raisons principales les provoquent : le vol et l'escroquerie, la concurrence déloyale (appelée aussi « détournement de pratiques »), les dettes et les défauts de paiement. D'importance presque égale, quantitativement parlant, ces querelles génèrent une furieuse agressivité entre voisins. Reflètant, le plus souvent des situations matérielles précaires, voire misérables, elles manifestent une fragilité et une dépendance économique certaine. Pour rendre compte au mieux de ces conflits d'intérêt, une examen détaillé s'impose. Il doit permettre de présenter, dans leur diversité, ces dissensions et mesurer l'incidence qu'elles ont sur la collectivité.

Le vol et l'escroquerie cristallisent les peurs et la défiance de la communauté. Ce sont pourtant des agissements qui restent rares entre voisins puisque si ils sont à l’origine de 35% des plaintes à caractère financier ou « économique », ils ne représentent que 6% de l’ensemble des plaintes prises en compte dans cette enquête ( 1074 ). On peut, d'ailleurs, préciser davantage : 60% des plaintes pour vol opposent des individus domiciliés dans la même rue ou le même quartier. Les 40% restants sont des voisins « immédiats » qui demeurent au sein du même immeuble ( 1075 ). Si l'on s'en remet, donc, aux sources judiciaires, sur le front du larcin et de la cambriole, la cohabitation entre habitants du quartier, et plus encore entre membres de la maisonnée, se présente sous un jour plutôt favorable. Est-ce à dire pour autant qu'une vertu scrupuleuse règne entre voisins ? Evidemment non. De nombreux chapardages n'ont sans doute entraîné aucune action en justice, les intéressés préférant un règlement à l'amiable, en dehors de l'arbitrage, toujours redouté, des tribunaux. Il semblerait même que l'adresse aux juges n'ait lieu qu'en dernier recours, lorsque les tentatives de médiation, celle des voisins particulièrement, ont échoué ( 1076 ). Quoiqu'il en soit, force est de s'en tenir aux documents dont on dispose, à savoir les plaintes des victimes, les dépositions de témoins, les réquisitoires et les enquêtes des autorités. Deux types principaux d'informations s'en dégagent : le profil des prévenus et des victimes d'un vol d'une part, la liste des objets dérobés d'autre part. Autant d'éléments importants qu'il convient d'examiner.

Notes
1074.

() Selon Jérôme Bernard, Crimes et délits liés à l’argent portés en justice à Lyon (janvier 1775- décembre 1784), mémoire de maîtrise sous la direction de F. Bayard, 1996, 108 pages et 7 annexes non paginées, Centre Pierre Léon, le nombre de vols qui se déroulent à Lyon entre 1775 et 1784 représentent 20,92% des crimes et des délits portés en justice.

1075.

() Par souci de cohérence, ne sont pas comptabilisées ici les plaintes pour « vol domestique », c'est-à-dire celles qui dénoncent un homme ou une femme « qui vole le maître qui le nourrit ». Cette disposition a été étendue à tous ceux qui sont accusés d'indélicatesses dans le cadre de leur travail ou de leurs fonctions, qu'ils disposent ou non d'un logement indépendant. Leurs gestes, en effet, relèvent de conduites qui échappent à la problématique examinée dans ce chapitre.

1076.

() Voir deuxième partie, 3.