A. Les auteurs de violences.

Entre 1776 et 1790, le nombre de plaintes faisant état de brutalités, de mauvais traitements, de coups ou de blessures s'élève à 576 ( 1204 ). Encore ne s'agit-il ici que des procédures engagées à l'encontre d'hommes et de femmes vivant à proximité immédiate, dans les limites - précédemment définies - du voisinage ( 1205 ). Une telle masse documentaire est précieuse pour l'historien. D'abord parce qu'elle informe de l'identité et du statut socioprofessionnel des individus impliqués dans une rixe. Ensuite parce qu'elle permet d'évaluer le rapport de force qui se joue entre les adversaires. Pour exploiter au mieux cet important matériau judiciaire, il a semblé nécessaire de distinguer, pour chacune des affaires faisant mention de violences physiques, un agresseur - celui contre qui s'exerce l'action de la justice - et une victime - la personne qui, sauf indication contraire, saisit les tribunaux ( 1206 ). La réalité, naturellement, est beaucoup plus complexe puisque souvent les parties rivales portent l'une comme l'autre une part de responsabilité dans la querelle qui les oppose et dans l'échange de coups qui s'ensuit. 18% des plaintes sont d'ailleurs immédiatement suivies d'une contre-plainte qui reprend, en les inversant, les accusations de l'adversaire ( 1207 ). Pour autant, cette distinction : agresseur/victime est indispensable pour conduire l'enquête. Elle permet de dresser le portrait des adversaires, de mesurer leur proximité géographique, d'observer leur statut social, de comparer le comportement respectif des différentes catégories socioprofessionnelles. Autant d'éléments qu'il convient de connaître si l'on veut saisir quelques traits fondamentaux de cette violence quotidienne qui traverse la communauté de voisinage.

Notes
1204.

() Le calcul prend en compte les plaintes déposées au tribunal royal de la Sénéchaussée criminelle mais aussi celles des justices écclésiastiques d'Ainay et de Saint-Jean.

1205.

() Cf. première partie, chapitre 1, C.

1206.

() Précision importante : sont considérées comme victimes les personnes personnellement impliquées dans une rixe - et elles seulement - afin d'éviter de comptabiliser tous ceux qui, époux, tuteurs ou ayant droits, déposent plainte au nom d'une tierce personne.

1207.

() Sur la notion de « victime » dans la justice d’Ancien Régime, voir Benoit Garnot (sld), Les victimes, des oubliées de l’histoire ?, Actes du colloque de Dijon, 7 et 8 octobre 1999, Presses Universitaires de Rennes, 2000, 535 pages.