2.2.1 La décomposition du mot graphique en arabe

Dans le modèle SAMIA, le mot graphique13 arabe est considéré comme une structure d’objet complexe contenant une suite de morphèmes14. Chaque mot graphique peut se décomposer en une suite ordonnée de : proclitique(s), préfixe, base, suffixe(s), enclitique(s).

La base du mot est, construite selon un procédé appelé dérivation interne c'est à dire selon des schèmes15 qui sont des patrons syllabiques dans lesquels s’inscrivent les consonnes de la racine. La racine est un groupe de consonnes qui se présentent selon un ordre fixe et qui représente une notion définie : par exemple, la racine (ك،ت،ب : KTB) représente la notion d'écrire. Le schème est constitué de voyelles brèves ou longues, du redoublement d’une radicale et de consonnes affixées appartenant aux racines mono-consonantiques (Roman, 1990). Les schèmes ont un sens codifié par la grammaire, qui entre en combinaison avec celui des racines pour donner le sens du mot. Par exemple, l'agent d'action des verbes de forme (I) est construit théoriquement à partir du schème suivant : R 1 âR 2 iR 3 . Le participe actif du verbe (كَتَبَ – يَكْتُبُ: KaTaBa – YaKTuBu)= («écrire»), est (كَاتِب : KâTiB) = («écrivain»). Ce participe actif est obtenu par l’inscription des consonnes de la racine (ك،ت،ب : KTB) dans le schème R 1 âR 2 iR 3 .

Ce procédé s'applique pour la totalité des verbes, des dérivés nominaux immédiats (nom verbal, participe actif, etc.) et pour une partie importante des noms. Toutefois, un sous-ensemble important des noms, c’est le cas des mots empruntés aux autres langues et des noms propres, ne sont pas construits selon ce procédé. Ces noms correspondent à des pro-bases (Dichy, 1997).

Bases et pro-bases sont le noyau lexical (ou formants-noyau, Fn) du mot, les autres constituants sont des extensions (ou formants-extensions, Fe) qui peuvent s’ajouter au mot pour former un mot graphique maximal. Ce mécanisme appelé dérivation externe ou suffixation, fait de l'arabe une langue agglutinante.

La première couche des formants-extensions est constituée par les préfixes et les suffixes qui forment avec la base du mot ce que nous appelons un mot minimal (Cohen, 1961/70).

Le préfixe est un morphème verbal relatif à l'inaccompli (actif ou passif) placé avant la base. Pour les noms et les autres aspects de la conjugaison nous dirons que le préfixe est vide. Le suffixe est un morphème situé immédiatement après la base. La base peut être une base verbale suivie d'un suffixe verbal ou une base nominale suivie d'un suffixe nominal. Chaque suffixe peut être une combinaison de deux suffixes cas de (ياء النسبة : Yâ? ALNiSBa) = («adjectifs de relation»). Comme pour les préfixes, mais dans des cas beaucoup plus rares, le suffixe peut être vide.

La seconde couche des formants-extensions est constituée par les proclitiques et les enclitiques, qui s'attachent au mot minimal par une seconde dérivation externe et forment le mot maximal (Cohen, 1961/70). Par proclitique, nous désignons les proclitiques simples (morphèmes à une lettre) et les proclitiques composés (morphèmes à plusieurs lettres). Les premiers sont des coordonnants, des conjonctions, des prépositions, etc. Les seconds sont obtenus par combinaison des premiers. L'article (ال : ?aL) est également considéré comme proclitique simple, bien qu'il comporte deux lettres. L'enclitique est un pronom personnel complément qui peut être simple ou double. Il est attaché au mot qui le précède pour ne former qu'un seul mot.

En faisant usage des frontières faible et forte de morphème (respectivement # et +), on peut représenter le mot graphique en arabe ainsi (figure 2-1) :

16

Notes
13.

Le mot graphique en arabe est communément défini, d’une manière empirique, comme l’unité située dans l’écriture entre deux "blancs" ou entre deux séparateurs similaires tels que les signes de ponctuation ([.], [,], [?], [!], [(], [« ], etc.). Le tiret qui pose des problèmes de délimitation pour les écritures latines est considéré aussi comme un blanc en arabe.

14.

Les morphèmes constitutifs de l’unité-mot sont appelés des formants de mot, c’est-à-dire, des signes linguistiques minimaux dont les relations de contextualisation sont limitées aux autres morphèmes inclus dans l’unité composée que constitue le mot dans sa manifestation graphique (Dichy, 1987).

15.

La grammaire arabe fait traditionnellement usage, pour cela, d’une convention qui consiste à faire appel à une racine tri-consonantique théorique (ف،ع،ل) = («faire»). On utilise également de nos jours d’autres représentations symboliques comme R1R2R3 (où « R » signifie consonne radicale et le chiffre en indice indique la position dans la racine).

16.

Pour la représentation en constituants immédiats (Desclés et al., 1983), lire “##” comme frontière de mot; le critère empirique permettant de distinguer la frontière “+” (pré- ou suffixation) de la frontière “#” (enclise : pro- ou enclitiques) est celui de la pause potentielle (Lyons 1978/90) : en l’absence du PRF ou du SUF auquel elle est liée par une frontière “+”, la BAS - ou la PBA - ne peut constituer une forme libre minimale. En revanche, elle peut, de ce point de vue, “se passer” des ECL et des PCL.