5.4.1 Processus d'apprentissage lexical

Le vocabulaire comporte deux aspects, qui correspondent à deux niveaux de traitement. Le premier concerne la forme des mots (composante phonétique et graphique) tandis que le deuxième a rapport à leur sens (aspect sémantique). Ces aspects ne mettent pas en jeu les mêmes capacités cognitives. Le premier est en effet plus superficiel et intervient en premier dans l’acquisition d’une langue. Par contre, l’acquisition se produit par l’intégration d’indices sémantiques dans les réseaux du lexique mental. Lors de l’apprentissage d’une langue seconde, les deux aspects sont présents dès le départ, mais si l’intégration des mots nouveaux se produit plutôt suivant des critères de forme au début, elle laisse place peu à peu à des associations plus profondes de nature sémantique au fur et à mesure que la compétence se développe.

C’est la tâche d’acquisition qui fixe le niveau de traitement. Une tâche de répétition, qui ne fait intervenir que la forme des mots ne produira qu’une fixation superficielle dans la mémoire à long terme. Au contraire, une tâche de raisonnement ou de comparaison détaillée agira plus profondément et impliquera l’intégration du mot dans divers réseaux mentaux de l’apprenant. L’acquisition se produit lorsque les connaissances nouvelles véhiculées se fondent et s’associent aux anciennes, et cela principalement à un niveau sémantique. Plus la tâche initiale est complexe, plus l’enregistrement dans la mémoire qui en découle sera riche, détaillé, et précis. L’enregistrement d’un mot n’est pas un phénomène ponctuel et définitif, mis en place une fois pour toute. Il doit être réactualisé pour subsister. Or plus la trace mémorielle est riche et précise, plus elle a de chances d’être retrouvée, réutilisée et, par ce fait même, renforcée (Bogaards, 1994, pp. 93).

D'un autre côté, l’intention d’apprendre ne mène pas forcément au meilleur résultat et que les tâches significatives, c’est-à-dire qui signifient quelque chose pour l’apprenant et où celui-ci est impliqué personnellement, provoquent un apprentissage bien plus efficace.

L’acquisition lexicale est un processus graduel et lent. C’est sous l’effet de la répétition et de la manipulation mentale du vocabulaire que les associations se mettent en place à des rythmes divers. Pour fixer l’item lexical dans la mémoire, certains chercheurs (Oxford et Crookall, (1990, cités par Selva (1999)) préconisent la révision structurée. Il s’agit de se doter d’un « planning » de révision, sachant qu’un mot nouveau doit être vu 6 à 10 fois avant d’être mémorisé (les mots sont revus dans le temps à intervalles de durée croissante).

Toutefois, l’acquisition lexicale n’est pas uniquement affaire de répétition, même si celle-ci finit toujours par produire un effet. D’autres facteurs entrent en jeu tels que la motivation personnelle et les besoins individuels. En outre, chaque apprenant dispose dans son propre lexique mental de divers réseaux, qui ne sont pas tous structurés et employés de la même manière. La création d’associations ou la constitution de « toiles verbales » est donc une entreprise hautement individualisée. « Chacun construit, au cours de son histoire personnelle et avec ses accents individuels, le lexique qui lui convient, avec les connotations et les images qui sont propres à chaque individu et au contexte socioculturel où il vit » (Bogaards, 1994, pp. 97).