8.3 Contenu d’un modèle de l'apprenant
Deux méthodologies peuvent être suivies pour déterminer le contenu du modèle de l’apprenant (Danna, 1997). L’approche fonctionnelle vise à décrire ce contenu en termes des fonctions que le MA doit assurer pour permettre l’individualisation de l’apprentissage. L’approche extensionnelle, s’appuyant éventuellement sur les résultats obtenus lors des études de la première méthode, tente d’énumérer les informations qui doivent apparaître dans le MA.
Comme les informations sur l’apprenant sont principalement destinées aux modules pédagogiques du système (choix de l’activité, choix de l’aide, choix du texte à étudier, etc.), il semble nécessaire de s’intéresser particulièrement aux fonctions que ces modules requièrent de la part du MA. Self (Self, 1987) énumère six fonctions que le MA doit pouvoir assumer que nous résumons brièvement :
- Fonction corrective : le MA doit pouvoir servir à corriger les erreurs de l’apprenant. Cette fonction doit permettre :
- une prise de conscience des erreurs : une description en langage naturel peut être associée à l’erreur, ou à la connaissance incorrecte (l’erreur profonde) plutôt qu’à l’erreur observée (l’erreur de surface), et être montrée à l’apprenant. Le message peut être instancié en fonction du contexte ;
- une correction indirecte : on montre à l’apprenant seulement un résumé ou une partie de la connaissance correcte qu’on veut lui enseigner et pour laquelle le système a des preuves du manque de maîtrise de l’apprenant ;
- une correction directe : on donne directement la bonne solution à l’apprenant. Cela peut être fait quand l’erreur est primitive (en d’autres termes, quand l’erreur ne concerne que des connaissances factuelles), ou quand le système ne peut déterminer la connaissance erronée mais qu’il sait quelle est la connaissance qui aurait dû être employée, ou lorsque les techniques plus indirectes ont toutes échoué ;
- la génération de contre-exemples : Il existe deux types de contre-exemples : ceux qui montrent explicitement à l’apprenant qu’il se trompe et ceux qui amènent l’apprenant à se rendre compte de ses erreurs ;
- l’analyse des étapes : le système devine les étapes de l’apprenant. Si les inférences sont suffisamment fiables, le système laisse l’apprenant réfléchir sur son processus de résolution ;
- la rétrospection : elle permet de traiter les erreurs profondes telles que les interférences entre deux domaines (par exemple la langue maternelle sur la langue enseignée), ou bien encore entre deux solutions proposées par l’apprenant à différents moments.
- la génération d’activités du même type : on peut utiliser une analyse analogue à celle servant pour la génération de contre-exemples, ou consulter une banque d’activités ;
- le rappel : quand on craint que l’apprenant ait oublié, au moins en partie, certaines connaissances qu’il avait maîtrisées antérieurement, le tuteur peut rappeler à l’apprenant certaines informations.
- Fonction élaborative : le MA doit permettre d’augmenter l’ensemble des connaissances correctes de l’apprenant, i.e. de choisir la prochaine information à lui enseigner. Ce choix peut être :
-
basé sur le curriculum : si la connaissance à enseigner et la connaissance de l’apprenant sont toutes deux représentées sous forme d’un curriculum, une comparaison de ces deux structures permet de choisir le prochain thème à enseigner.
- fait en comparant les réponses de l’apprenant et du système : on détermine le thème suivant en comparant directement les réponses du système et les réponses de l’apprenant que le MA permet d’inférer pour le problème en cours, sans référence à aucun curriculum.
- fait en fonction des résultats d’une analyse interne de la connaissance de l’apprenant : on détecte des déficiences structurelles, des redondances, etc.
-
laissé à l’apprenant : parmi une liste d’activités choisies en fonction du modèle de l’apprenant et du curriculum.
- Fonction stratégique :le MA est utilisé pour mettre au point la stratégie d’enseignement suivie par le système. On peut par exemple, être amené à changer de plan pédagogique lorsque l’apprenant n’arrive pas à le suivre.
- Fonction diagnostique : le MA doit décrire les ambiguïtés qu’il contient. Deux niveaux d’ambiguïtés existent :
-
ambiguïté du MA : quand le MA est ambigu, les informations qu’il décrit doivent permettre de choisir entre les hypothèses concernant l’état cognitif de l’apprenant.
-
ambiguïté des connaissances de l’apprenant : quand le MA indique que l’apprenant possède des doutes sur certaines connaissances, le système peut amener l’apprenant à lever cette ambiguïté.
- Fonction prédictive : le MA peut être utilisé par le système pour prédire le comportement de l’apprenant face à un problème. La prédiction peut porter sur :
-
la performance de l’apprenant : on peut alors utiliser les différences entre la prédiction de la réponse de l’apprenant et celle donnée effectivement par l’apprenant afin de focaliser l’analyse de sa réponse sur des informations nouvelles.
-
Sur les effets des actions didactiques : si le modèle contient les procédures d’apprentissage de l’apprenant, ces procédures peuvent être appliquées pour chaque action didactique envisagée afin de sélectionner la plus bénéfique.
- Fonction évaluative : les informations contenues dans le MA doivent être représentatives de l’apprenant et du système, afin de pouvoir servir à évaluer l’apprenant avec le système.
Une des remarques qui nous paraît évidente est, qu’il est difficile d’intégrer toutes ces informations afin d’obtenir des MA reflétant exactement et précisément l’apprenant. En effet, la nature des informations touche des domaines de natures diverses, dont celles sur l’état cognitif et celles sur des traits psychologiques de l’apprenant. Ces dernières sont non seulement difficiles à déterminer, mais aussi à faire évoluer en cours d’interaction avec l’apprenant et à utiliser pour améliorer la situation d’enseignement.
Certains chercheurs tentent d’attirer l’attention sur le fait que cette tâche est éventuellement inutile d’un point de vue pratique (Self, 1994). Ces chercheurs mettent l’accent sur la finalité informatique du MA, plutôt que la finalité psychologique. Selon eux, la qualité d’un MA doit être jugée principalement par rapport à son adéquation avec les autres modules du système, et notamment avec le module pédagogique. Les données que contient le MA ne sont pertinentes que si elles sont utilisables par le reste du système.
S’appuyant sur ce raisonnement, nous avons élaboré un MA restreint aux compétences linguistiques de l’environnement d’apprentissage « AL-Mu
c
aLLiM » et qui répond surtout aux besoins des modules pédagogiques du système (générateur d’activités, choix du texte).