Première partie : Questions de méthode et de terminologie

CHAPITRE 1 : Le dénouement des doctes, notion floue
ou les errements indiscrets

I. Étude dramaturgique de la notion de dénouement : les fausses certitudes

Le dénouement semble a priori un lieu sûr, non pas, certes, pour les personnages, surtout ceux de la tragédie, qui y risquent précisément leur vie, mais au moins, sur un tout autre plan, pour le théoricien de la dramaturgie. C’est en tout cas un passage obligé des doctes, qui en ont fait un chemin si balisé qu’on ne pense pas pouvoir s’y égarer. Carrefour de nombreuses obligations et d’aussi nombreuses interdictions, le dénouement se signale comme une voie très fréquentée et très réglementée.

Il est défini comme l’une des parties essentielles du poème dramatique, sur le même plan que l’exposition et le nœud au point que le triptyque “exposition / nœud / dénouement” fait figure de modèle de composition propre au théâtre, à un niveau macro-séquentiel ou micro-séquentiel. Ainsi, on peut retrouver ce triptyque en abyme pour la composition de la scène :

‘“Chaque scène veut encore la même perfection (…). Il faut qu’elle marche comme la pièce et qu’elle ait, pour ainsi dire, son exposition, son nœud, son dénouement”  93  ;

“D’après cela, il est aisé de conclure que chaque scène un peu importante doit, pour être bonne, avoir comme la pièce entière, son exposition, son intrigue, son dénoue­ment”  94 .’

Ce modèle est parfois exporté analogiquement à d’autres types littéraires ou à d’autres arts. On s’en sert ainsi, éventuellement tronqué en un diptyque “nœud” / “dénouement”, pour caractériser par exemple la composition de l’églogue ou de poèmes moins longs que l’épopée, ou celle du conte, en précisant parfois que c’est au théâtre que l’on emprunte ce modèle :

‘“J’ai choisi pour l’ordinaire un événement qui pût exciter sa curiosité jusqu’à la fin, et qui, malgré le court espace de l’églogue, eût son exposition, son nœud et son dénouement, afin d’exciter par là cette sorte d’intérêt qui fait le charme des pièces de théâtre”  95  ;

“Le conte est à la comédie ce que l’épopée est à la tragédie, mais en petit (…). Ou l’intérêt du conte est dans un trait qui doit le terminer ; alors il faut aller au but le plus vite qu’il est possible : ou l’intérêt du conte est dans le nœud et le dénouement d’une action comique ; alors le plus ou le moins d’étendue dont il est susceptible, dépend des détails qu’il exige”  96 .’

Le dénouement est l’occasion de prescriptions, de descriptions et de commen­taires non techniques.

Notes
93.

La Motte (1730), Troisième Discours…, p. 634.

94.

Cailhava de l’Estandoux (1786), I, 36, p. 205. Aussi p. 208, 209, 210, 212. On notera la variation terminologique “nœud” / “intrigue”, que nous évoquerons plus bas.

95.

La Motte (1730), Discours sur l’églogue, p. 784.

96.

Marmontel (1787), “Conte”, p. 276.