c. choix de privilégier la signification globale du mot indépendamment de sa forme

Il peut arriver que le terme technique à adapter soit opaque dès le grec, c’est-à-dire indécom­posable en morphèmes : ainsi khorós“chœur” ou mûthos “fable” dans lesquels on ne perçoit ni préfixes ni suffixes. Dans ce cas, le latin, comme toute langue d’accueil, d’ailleurs, peut tâcher d’adapter le terme au niveau de la signification. Pour ce faire, l’adaptateur s’appuie sur une équivalence sémantique déjà existante. Par exemple mûthos, au sens de “légende”, “mythe”, a pour correspondant latin naturel le terme fabula. Pour rendre compte en latin du sens technique qu’Aristote rajoute à mûthos, il suffit d’enrichir fabula de ce même nouveau sens. Cet emprunt de sens correspond à la catégorie du calque sémantique. L’avantage du calque sémantique réside dans l’utilisation d’un mot préexistant, ce qui évite le jargon. L’inconvénient de ce procédé est l’exact revers de son avantage : comme le mot préexiste à son emploi technique, il est grevé de toute la polysémie qui est la sienne dans la langue ordinaire. Dès lors, dans ces passages techniques, il appartiendra au lecteur de reconnaître dans fabula non pas tel ou tel sens habituel du mot latin, mais le sens technique emprunté au terme grec  201 .

Notes
201.

Le calque sémantique en français de mûthos est naturellement fable : le mot a donc les virtualités techniques de son modèle grec. Il n’en perd pas pour autant, y compris dans les textes techniques, son sens standard de “légende” : cf. Lamy (1678), Deuxième partie, chapitre V, p. 204 “Il faut que tout ce qui se fait à la fin de la pièce, arrive naturellement, et qu’il ne paraisse pas que tous ces succès ne sont que des inventions du poète, parce que l’on ne peut pas être touché, comme nous avons dit, de ce qu’on croit n’être qu’une fable”.