c. le titre est représenté grammaticalement

Le ou les mot(s) du titre ne figure(nt) pas explicitement dans le texte, mais se trouve(nt) représenté(s) par des termes de même famille lexicale ou employé(s) dans des structures syntaxiques différentes. Ainsi pour Les Sincères. L’adjectif substantivé, tolérable dans un titre du fait de la syntaxe atypique de ce paratexte, est difficilement acceptable dans un énoncé normé. Aussi ne le trouve-t-on pas dans le texte. Mais il figure sous sa forme adjectivale, très tôt dans la pièce. Faisant le portrait de son maître, Frontin le présente ainsi :

‘“ce n’est pas par malice qu’il est sincère, c’est qu’il a mis son affection à se distinguer par là”  394 .’

Le terme apparaît donc très tôt dans la pièce, comme dans le premier type évoqué, mais avec une autre nature. En revanche, on trouve encore plus tôt le substantif dérivé sincérité  395 . Le titre est donc représenté par des termes qui ne sont ni tout à fait lui ni tout à fait un autre.

Le même procédé, cette fois en fin de pièce, se retrouve avec le titre-syntagme La Réunion des amours. Dans la scène XVI et dernière, l’idée enfermée dans le titre (qui n’est nulle part explicitement cité) est relayée par les verbes réunir et s’unir. En effet, dans son discours final adressé aux deux Amours (dont le nom restera implicite dans cette fausse signature), Minerve dit : “Cupidon, la vertu décidait contre vous ; et moi-même j’allais être de son sentiment, si Jupiter n’avait pas jugé à propos de vous réunir” et un peu plus loin “Unissez-vous tous deux”. Cette réplique finale explique le sens du mot réunion dans le titre, qui signifiait donc “réconciliation”. La facture du titre repose sur la conjonction des verbes d’action de la réplique finale et des deux destinataires de ces injonctions :

Le titre manifeste donc le passage d’une action à son résultat. Il décrit (mais on ne le comprend qu’aux dernières répliques) l’équilibre final de la pièce, la suite dramaturgique inévitable de l’injonction terminale de Minerve, que préfigure l’ultime réplique de la pièce :

‘“Cupidon, embrassant l’Amour : ‑Allons, mon camarade, je le veux bien. Embrassons-nous. Je vous apprendrai à n’être plus si sot ; et vous m’apprendrez à être plus sage”.’

La réconciliation, scellée par l’embrassade qu’annoncent, dans un pléonasme, et la didascalie et le texte proféré, est l’explication du titre, sur lequel le spectateur ou le lecteur opère une rectification sémantique rétrospective.

Ces procédés de modification de l’intitulé exact en phrases ou groupe de mots représentants n’affectent au fond que la surface des mots qui restent facilement restituables. Ils ne sont qu’une variante morpho-syntaxique des cas précédents et, avec eux, se classent dans la catégorie des titres cités explicitement, à des degrés divers, dans le texte.

Tel n’est pas toujours le cas, et nous allons examiner maintenant les occurrences de titres qui présentent avec le matériau textuel de la pièce des liens beaucoup plus complexes, repérables certes, mais beaucoup plus lâches que dans les sections qui précèdent.

Notes
394.

Les Sincères, scène I.

395.

Scène I (Lisette) : “Ils s’imaginent sympathiser ensemble à cause de leur prétendu caractère de sincérité”.