IV. Conclusion du chapitre

Rendre compte de l’ensemble du théâtre de Marivaux tient à première vue de la mission impossible. Les classifications génériques oscillent entre des formes attestées, reconnues  472 , et des terminologies ad hoc. Elles n’évitent pas deux écueils : des choix arbitraires ou un peu forcés qui expliquent des points de vue divergents des auteurs à l’égard de telle ou telle pièce ; l’enfermement sur lui-même du théâtre de Marivaux, rendu autistique par le fait d’une nomenclature souvent circulaire (L’Épreuve est une “épreuve”, La Surprise de l’amour une “surprise [de l’amour]”). Les classements thématiques, quant à eux, parviennent à une certaine unité, mais au prix de l’exclusion du corpus d’un certain nombre de pièces inclassables. Ils ont en outre comme conséquence plus fâcheuse de véhiculer des clichés sur l’œuvre marivaudienne (qui ont commencé dès l’époque de Marivaux  473 ) ou de consolider une hiérarchisation entre des pièces représentatives (mais en vertu de quoi ?) et d’autres qui ne le sont pas (même question, bien sûr).

Nous avons eu le souci, au cours de cette étude, de reconnaître les difficultés inhérentes à ce théâtre imposant et protéiforme. La vraie gageure était de partir d’un topos thématique (le parcours amoureux) pour tenter d’en faire le support de la recherche d’une structure. Les parcours réels ou fantômatiques, principaux ou subalternes, internes ou externes, construisent indéniablement une dynamique synchronique par la tension qu’ils sont supposés exercer les uns sur les autres, mais aussi une dynamique diachronique puisque chaque étape franchie s’inscrit dans le temps et l’espace de la pièce.

Notes
472.

Ainsi le classement de pièces de Marivaux sous l’appellation de drame bourgeois, par exemple chez G. Larroumet (1894) et M. Arland (1950), est nettement anachronique. Cf. J. Scherer (1989), p. 19 : “Quant au drame, il vient à peine de naître quand Beaumarchais commence à s’y intéresser. Ce genre bourgeois, moral et sensible, préparé par la ‘comédie larmoyante’ de Nivelle de La Chaussée et par quelques comédies sérieuses de Voltaire et de Collé, ne date vraiment que du Fils naturel de Diderot, publié en 1757, mais joué, une seule fois, en 1771 seulement”.

473.

Parmi certains clichés immédiats, on trouve par exemple que Marivaux écrit toujours la même pièce ou qu’il pèse des œufs de mouche dans des toiles d’araignée (Voltaire).