3. les modèles comparables

a. hiérarchie ambiguë entre les parcours principaux

(i). Le Prince travesti et Arlequin poli par l’amour

Le Prince travesti se révèle très proche d’Arlequin poli par l’amour si l’on observe précisément le critère de la hiérarchie entre les parcours amoureux.

En effet, les deux pièces s’ouvrent sur un parcours amoureux déjà enclenché qui concerne deux personnages de statut inégal. La Princesse de la pièce longue, tout comme la Fée de la pièce en un acte, espère attirer à elle un homme qui lui est inférieur socialement. De la même manière, elle envisage le mariage alors que la déclaration ne s’est pas produite. Surgit alors le véritable parcours amoureux, entre Hortense et Lélio. Lorsque les deux parcours se croisent, la Princesse devient tyrannique et se consacre à sa vengeance, comme la Fée d’Arlequin : faute de pouvoir épouser Lélio, elle va au moins s’acharner à empêcher son bonheur.

Malgré le contexte fort différent, on voit que la ressemblance dramaturgique entre les deux pièces est frappante.

Cependant, Le Prince travesti s’achève plus harmonieusement que la pièce en un acte grâce à un roi déguisé qui surgit fort à propos. La question pendante du mariage de la Princesse avec le roi est réglée en une seule scène (III, 11) où sont regroupées toutes les étapes c ‑ d’ ‑ e ‑ f ‑ g ‑ h. Ce mariage arrangé et diplomatique devient tout d’un coup un mariage d’amour ; trois répliques suffisent à condenser ce qui aurait pu constituer en soi une pièce marivaudienne, dont tous les ingrédients sont présents : c’est le roi, déguisé en ambas­sadeur, qui est sur scène en personne pour recevoir ce qui va devenir un aveu (pour le moins inattendu!  485 ), auquel il va répondre publiquement, ce qui laisse espérer une union rapide et assortie.

Notes
485.

L’avant-dernière réplique de la Princesse, “‑Vous, seigneur! Ma main est bien due à un prince qui la demande d’une manière si galante et si peu attendue”, marquent de manière métathéâtrale le caractère parfaitement incongru de cette rencontre. Du coup, comme elle le signale dans ses derniers mots adressés à Hortense (“Allons, Madame, de si grands événements méritent bien qu’on se hâte de les terminer”), il y a lieu de forcer l’allure pour en finir.