II. Bilan et prolongements

Au travers de cette comparaison, on s’aperçoit que Marivaux ne réutilise pas dans les pièces en un acte les modèles qu’il a développés avec prédilection dans les pièces longues. S’il est possible de repérer des passerelles entre quelques œuvres des deux types, à chaque fois d’importantes variantes rendent les ressemblances moins sensibles.

On peut sans doute dire que, globalement, Marivaux ajoute aux pièces en trois actes des ingrédients qui rendent les situations plus complexes. Le plus remarquable est le travestissement sexuel ou social qui contraint à des révélations intermédiaires et dote les fables d’un arrière-plan romanesque plus dense.

Les pièces en un acte, globalement, montrent un franchissement d’étapes amoureuses moins nombreuses. Dans cet espace-temps de l’intrigue, elles manifestent néanmoins une grande complexité de composition regroupant parcours principal, concurrent(s), fantôme(s) tout autant que dans les pièces plus longues. En outre, nombre de pièces en un acte ne trouvent pas de correspondante identifiable dans le corpus des grandes pièces, preuve que Marivaux investit la petite forme d’un soin particulier et que, loin d’en faire un simple raccourci des comédies en trois actes, il en fait plutôt un terrain d’expérimentation dramaturgique.

Ce qui ressort aussi de ce bref aperçu, c’est le relatif optimisme du corpus des grandes pièces. Le projet des enfants rejoint celui des parents, les amoureuses délaissées trouvent un compagnon à leur goût, les actions les plus périlleuses s’achèvent par un mariage, quitte à laisser de côté des amants condamnés d’avance par l’incongruité de leurs désirs. La Fausse Suivante reste très isolée dans ce corpus. Écrite en 1724, elle ouvre la voie à une série de pièces en un acte beaucoup moins joyeuses que Le Père prudent et équitable ou qu’Arlequin poli par l’amour.

À ce stade de notre étude, nous abandonnons les grandes pièces, qui nous ont servi de point de référence et en quelque sorte de règle d’étalonnage de notre corpus. C’est grâce à elles que nous avons pu comprendre l’importance et le fonctionnement du parcours principal.

Le corpus des pièces en un acte occupera le reste du travail. Les dramaturgies que nous avons dégagées concernent au premier chef les pièces courtes, sauf le sous-type du blocage interne, qui n’est représenté par aucune pièce en un acte. Il reste l’essentiel : il nous faut désormais, à l’intérieur de cette typologie, voir comment chaque type dramatur­gique et chaque type de composition induit un système de fin et repérer l’organisation liée à la composition des scènes.