II. Le passage d’une scène à l’autre

1. modalités à l’œuvre

Trois modalités principales président au changement de scène : la rupture, le centrage sur un personnage, le passage de relais.

a. la rupture

La rupture caractérise les changements de scène dans lesquels aucun personnage ne fait le lien d’une scène à l’autre. Cette modalité, qui va à l’encontre des règles de liaison  497 , est très rare chez Marivaux. On en trouve trace dans Arlequin poli par l’amour entre les scènes III (la Fée, Arlequin Trivelin) et IV (Silvia, le berger) et entre les scènes XIII (Silvia, des lutins) et XIV (La Fée, Arlequin). La rupture brutale est justifiée par un changement d’espace (tout aussi peu régulier), dont témoignent les didascalies initiales de scène : à la scène IV, “la scène change et représente au loin quelques moutons”. Au début de la scène XIV, “la scène change et représente le jardin de la Fée”.

La rupture entraîne la superposition de deux univers radicalement différents, avec un chassé-croisé entre les personnages. D’ailleurs, des indications précises concernent leurs entrées et sorties :

‘“Ils sortent tous” (scène III) ; “Silvia entre sur la scène en habit de bergère” (scène IV) ;
Ils l’enlèvent en criant” (scène XIII) ; “La Fée paraît avec Arlequin…” (scène XIV).’

Ce chassé-croisé est tout à fait intéressant car il impose une mobilité et une rapidité inhabituelles, en posant le problème éventuel de la scène vide. Il impose également des changements d’espace et de décor, clairement marqués par le texte. Il empêche enfin tout système de liaison de scènes.

Notes
497.

Sur les liaisons de scènes, cf. J. Scherer (1981), p. 266-285.