3. hiérarchie des scènes

a. la scène fondatrice

Chaque pièce paraît bâtie sur un modèle de scène fondatrice, trio ou duo, qui structure les séquences. Parfois, cette structuration se révèle porteuse de sens.

(i). trio fondateur

Arlequin poli par l’amour est ponctué de trios fédérateurs dont les variations indiquent les changements fondamentaux de la pièce  499 . L’ensemble a la structure suivante  500  :

Des trios fondateurs entrent en résonance avec des duos. Les trios sont centraux dans l’élaboration des séquences. Ils en marquent aussi souvent le début.

La scène III propose un premier trio : la Fée, Arlequin, Trivelin. Elle avait été précédée, scène I, par un duo de confidences entre la Fée et Trivelin. La même structure se retrouve au centre de la séquence 2, puisque le même trio se retrouve scène VII, entouré de deux duos de la Fée et de Trivelin. Le groupe des scènes VI à VIII répond partiellement aux trois premières scènes de la pièce, et se trouve au centre d’une séquence dans laquelle c’est Silvia qui a le rôle principal. Seul personnage de la séquence à donner un monologue (scène X), elle a, en outre, un dialogue pastoral avec un berger (IV), une cousine (IX) et un dialogue amoureux avec Arlequin (V et XI), le tout dans une alternance rigoureuse. La mise en abyme de la structure originelle du trio Arlequin-La Fée-Trivelin au milieu d’une séquence centrée sur Silvia donne paradoxalement à cette dernière une place prépondérante, d’autant qu’elle a la double opportunité d’un dialogue avec Arlequin que la Fée n’a pas encore réussi à obtenir. La structure à emboîtement est déjà l’indice de la défaite prochaine de la Fée.

La scène XII inaugure une nouvelle séquence grâce à la mise en place d’un trio inédit dans lequel les deux univers se rencontrent : Arlequin, en effet, se trouve placé entre les deux rivales qui, chacune à son tour, étaient le point de focalisation des séquences précédentes. Cette séquence 3 marque la réaction de la Fée, qui a l’initiative d’un monologue (XV). La Fée rencontre en situation de duo non seulement Trivelin, comme précédemment, mais aussi Arlequin et Silvia. Personnage omniprésent, elle ne s’absente de cette séquence que pour laisser la place à ses lutins (XIII). Les univers montrés aux séquences 1 et 2 entrent donc ici en collision.

La scène XVIII inaugure la séquence 4 sur un trio inédit : Trivelin, Silvia, Arlequin. Ce qui pourrait ne passer que pour une variante du trio de la scène XII (avec Trivelin à la place de la Fée) se révèle en réalité être une tout autre configuration : Trivelin trahit la Fée et se fait l’allié des deux amoureux. Du coup, se met en place un quatuor inédit, Trivelin, Silvia, Arlequin, la Fée (XX), symbiose des deux trios précédemment organisés. De part et d’autre de ce quatuor, deux duos, préparés par le trio de la scène XII, mettent Arlequin aux prises avec les deux femmes qui l’aiment, d’abord Silvia (XIX), puis la Fée (XXI). La scène finale est celle du regroupement de tous les personnages de l’univers féerique, y compris des rôles épisodiques des scènes II et XIII.

La construction des séquences d’Arlequin poli par l’amour témoigne donc d’une pensée rigoureuse de l’organisation des scènes, même si cette dernière ne recoupe pas forcément les indications des changements d’espace. 501

Notes
499.

Pour H. Coulet et M. Gilot (1973), ce sont les duos autour de Silvia qui structirent l’ensemble. Cf. p. 98.

500.

Selon. C. Yetter-Vassot (1996 b), p. 99, on peut distinguer “deux genres de personnages : un groupe qui constitue un monde merveilleux (la Fée, Trivelin et les lutins), et un autre qui appartient à un monde pastoral (le berger, les bergères et la troupe de musiciens). Seul Arlequin semble figurer dans les deux ‘mondes’ (…) à la fois”.

501.

Scène I jardin de la Fée, scène IV prairie, scène VI jardin de la Fée, scène IX prairie, scène XIV jardin de la Fée.