c. les pièces à structure par cadre poreux

Ce sont les pièces dans lesquelles un personnage de la pièce-cadre joue un rôle dans la pièce interne avant de s’effacer ou bien revient prématurément avant de reconstituer le cadre final. C’est la structure du Triomphe de Plutus et de L’Île des esclaves. À chaque fois se pose une question sur le statut du personnage signe.

Dans Le Triomphe de Plutus, le cadre est constitué par ce que l’on pourrait appeler la dispute des dieux. Les deux premières scènes constituent le premier volet du cadre, la dernière scène le second volet. De fait, dans ces trois scènes, les personnages divins se nomment par leur véritable nom : ils sont Apollon et Plutus. Dans la pièce interne, ils portent les pseudonymes respectifs d’Ergaste et de Monsieur Richard. Ils jouent l’un après l’autre leur rôle dans la pièce interne, au point qu’on ne peut guère considérer qu’il y a une frontière étanche entre pièce-cadre et pièce interne. La situation se présente donc ainsi :

La pièce interne est donc reliée au cadre ouvert par le personnage de Plutus et au cadre fermé par le personnage d’Apollon. Les deux personnages présents au début se retrouvent sur scène dans la partie centrale au moment de l’équilibre et de la joute musicale entre les deux divertisse­ments proposés. La pièce interne n’est donc pas étanche.

La situation est légèrement différente dans L’Île des esclaves, où le cadre est plus difficile à déterminer. Le personnage signe du cadre est indéniablement Trivelin. Or, il n’est pas présent lors de la première scène, qui confronte Arlequin à son maître après le naufrage. C’est là un premier flottement. Ensuite, les délimitations exactes du cadre sont floues. Si l’on considère les répliques de Trivelin, on peut dire qu’un arc s’établit entre la scène II, où il expose le programme de rééducation des naufragés, et la scène XI, qui fait verdict. Mais alors, que faire des scènes intermédiaires, qui semblent commencer l’action et intègrent tout de même Trivelin ?

Sans doute y a-t-il lieu de considérer que la scène I est une sorte de prologue, qui situe les paramètres de l’exposition et installe les relations maître-valet habituels à la comédie. Puis apparaît Trivelin, qui pose l’enjeu de la pièce-cadre : la guérison des maîtres. Ensuite commence la première étape de la thérapie des maîtres, à savoir la confrontation aux portraits que font d’eux leurs valets  518 . C’est une étape de confession, dans laquelle Trivelin se fait à la fois juge et confident. Le départ de Trivelin à la scène V  519 enclenche une deuxième étape de la pièce interne, dans laquelle la punition se fait dans et par l’action. Le retour de Trivelin impose le retour du cadre. La structure présente donc un modèle plus poreux que les précédents, dans lequel Trivelin offre deux faces du même personnage : en surplomb dans la pièce-cadre, il participe à l’action dans la pièce interne :

La porosité s’explique par le changement de rôle ou de posture de Trivelin. C’est la même situation que dans Le Triomphe de Plutus, même s’il n’y a pas ici de changement d’identité.

Notes
518.

Les maîtres sont en effet dans une situation de catharsis comique : cf. P. Stewart (1996 a).

519.

“Adieu, vous saurez bientôt de mes nouvelles”.