d. conclusion sur les pièces à cadre

Les problèmes posés par la structuration par cadre se situent à plusieurs niveaux. Comme nous l’avons vu, la question des personnages construit un premier niveau d’analyse. Lorsqu’ils sont absents de la pièce interne, comme dans La Dispute, la question se règle facilement. Dans les autres cas, ils sont à la fois eux-mêmes et d’autres. De fait, du cadre à la pièce interne, ils subissent des modifications  520 . C’est une Félicie dotée de grâces qui entre dans le monde. C’est un Crispin déguisé en de nombreux personnages qui se déploie dans la pièce interne. Trivelin passe du statut de juge à celui de confesseur. Plutus et Apollon se transforment en Ergaste et en Richard. Changement de nom, transformations physiques, autre fonction : c’est une modifica­tion qui affecte les personnages communs au cadre et à la pièce interne.

Le deuxième niveau concerne le rapport du langage à l’action qui distingue le cadre initial de la pièce interne. Le Triomphe de Plutus et La Dispute s’ouvrent sur un débat qui porte sur les rapports entre amour et argent et sur les origines de l’inconstance  521 . Les autres pièces montrent des scènes en dehors de l’action. La scène cadre initiale de Félicie présente les préparatifs d’une entrée dans le monde. Le début du Père prudent et équitable insiste sur l’impossibilité d’agir contre la volonté paternelle. Le cadre de L’Île des esclaves pose les règles d’un jeu qui n’a pas encore commencé. La pièce interne apparaît donc clairement dans tous ces cas comme une expérience à mener pour illustrer un débat ou un précepte. Cela a des conséquences spéciales pour la question de la fin. Faut-il clore la pièce interne avant que surgisse la partie clôturante de la pièce-cadre ? Ou bien la pièce-cadre peut-elle avoir une fin à double détente, suffisante pour régler, en plus d’elle-même, la pièce interne ? Comment se fait la jonction entre la fin de la pièce interne et la réapparition du cadre ? Quelle est la dynamique à l’œuvre dans la pièce interne ?

Notes
520.

Les personnages strictement inscrits dans la pièce-cadre subissent eux aussi des transformations. Hortense devient explicitement la Fée. Sans doute peut-on voir dans les relations entre le Prince et Hermiane un changement notable : ils ne parlent plus d’amour.

521.

J. Terrasse (1986) présente les choses différemement : “L’insertion du discours fonctionnel dans un discours qualificatif produit parfois un effet de théâtre au second degré : Apollon et Plutus, en arrivant sur terre sous les noms d’Ergaste et de Richard, Hermiane et le Prince, en observant l’éveil à l’amour d’Églé, Azor, Adine et Mesrin, ont l’air de vouloir se donner la comédie. Le Triomphe de Plutus et La Dispute sont donc des pièces construites en trompe-l’œil” (p. 74).