a. absence d’un parcours amoureux complet

La Dispute, certes, met en scène des parcours amoureux ; mais les étapes à franchir sont condensées en un très court espace textuel avec un effet de répétition qui induit le thème de l’éternelle inconstance. L’Île des esclaves montre des tentatives avortées de scènes de séduction et La Réunion des amours présente de façon comique une compétition de déclaration amoureuse entre l’Amour et Cupidon, qui entreprennent de séduire la Vertu. Dans ces pièces, le parcours amoureux est réduit jusqu’à n’être plus qu’une sorte d’élément référentiel : c’est Marivaux parodiant du Marivaux.

Comment la dynamique de ces pièces peut-elle s’instituer dans un contexte où le parcours amoureux ne peut plus servir de colonne vertébrale ? Dans ces trois pièces, le phénomène est rendu plus complexe par le fait que l’enjeu dramaturgique se situe dans la parole ramenée au statut de débat. Il s’agit de trancher respectivement sur l’inconstance des femmes, sur la culpabilité et la rédemption des maîtres, sur la prééminence de deux formes d’amour. Les trois pièces semblent donc étrangement construites. Loin de l’évolution linéaire, elles proposent une structuration qui met au premier plan l’organisation des scènes. Un système par cadre donne de l’importance à quelques personnages dont la parole sera déterminante dans le verdict à apporter à ces débats ; au niveau inférieur, les autres personnages vont s’insérer dans une composition de scènes qui s’organise selon des effets de miroir, de reproduction et de variation, de symétrie. Le lecteur-spectateur a alors le sentiment que la forme prévaut et que les actions des personnages n’ont au fond guère d’importance. On peut résumer ainsi cette forme de dramaturgie :

On comprend dès lors l’attention particulière attribuée à la structuration des séquences dans cette configuration. Le nouement est constitué de l’enclenchement d’une situation produite par le débat en cours. Il ne peut y avoir de nœud, puisque les variations sont infinies. La question du dénouement est donc renvoyée au cadre. Le personnage qui a instauré le débat peut-il dénouer ? De quelle nature est le dénouement ? Quel est son impact sur le niveau des personnages ?