c. les pièces à parcours fantôme dominant

La Provinciale et Le Triomphe de Plutus montrent le développement de deux parcours amoureux fantômes enclenchés par un projet de personnage sans relation avec l’amour. Ces parcours sont mimétiques d’un véritable parcours amoureux mais sont pervertis par la débauche et par l’argent. Ils constituent dans leur développement la colonne vertébrale de la pièce, même si des transgressions repérables par rapport au modèle canonique et un rendu comique les rendent suspects. Ils sont la matérialisation du projet d’un personnage qui se situe à un autre niveau. Pour Plutus, il s’agit de prouver à Apollon le pouvoir de séduction de l’argent ; pour le Chevalier et ses complices, il s’agit de voler son argent à la provinciale. Dans un cas, c’est l’argent au service de “l’amour”, dans l’autre, “l’amour” au service de l’argent.

En contrepoint, se présente un autre parcours qui pourrait représenter un amour possible mais qui ne parvient pas à se développer. Autre voie non explorée, l’amour reste en filigrane. On peut schématiser ainsi ce type de pièces :

Il n’y a pas de nœud. Le nouement est constitué par l’évolution du parcours amoureux fantôme, qui rend compte de l’efficacité du projet enclencheur  550 . Le dénouement doit donc être interrogé selon trois axes : quelle est la fin du parcours fantôme ? celle du parcours réel, seulement esquissé ? quelle est la fin du projet initial qui avance masqué pendant toute la pièce ?

Nous voyons donc que les parcours rejoignent les modèles séquentiels pour rendre compte de dynamiques différentes et, au-delà, de fonctionnements dramaturgiques particuliers.

Notes
550.

Toutes ces pièces font appel à la notion de “projet”. On ne peut donc pas leur appliquer ce qu’écrit J. K. Sanaker (1987) à propos des “surprises” du corpus des grandes pièces : “s’il y a surprise de l’amour dans les comédies de Marivaux, cela implique non seulement que le personnage en cause ne s’attend pas à ce qui lui arrive, mais aussi qu’il ne veut pas participer au jeu de l’amour, c’est-à-dire qu’il souhaite, dans la phase initiale, se dérober à l’action de la pièce” (p. 14).