CONCLUSION DE LA DEUXIEME PARTIE

En quête de la dynamique interne des pièces en un acte, nous avons pu constater, dans cette deuxième partie, leur extrême complexité  551 . Chaque niveau d’analyse repéré dans le chapitre 3 de la première partie soulève, en effet, des questions.

Toutes les pièces en un acte commencent par l’enclenchement du projet d’un personnage. Ce dernier naît parfois d’une situation fortuite. Ce projet de personnage est dès le départ évalué par des personnages-témoins qui le définissent comme bon ou mauvais. On sent ainsi, dès le début de La Commère ou d’Arlequin, que le mariage, tel qu’il est prévu par Mademoiselle Habert ou par la Fée est inconvenant et a donc des chances de ne pas aboutir. Dès la première scène de La Provinciale, on sait que l’intrigue organisée par Madame Lépine est immorale. En revanche, le projet matrimonial du Préjugé vaincu ou de L’Épreuve sont justifiés par de bonnes raisons. Seul le projet de Monsieur Argante dans Le Dénouement imprévu est dénoncé, puis réhabilité, mais ce n’est là qu’un des multiples moteurs de cette pièce.

Nous avons montré que le projet enclencheur établissait des rapports complexes avec le schéma actantiel qui se révélait très problématique dans la dramaturgie marivaudienne. Le changement de positionnement des divers actants est un des éléments de structuration et de dynamique des pièces. C’est lorsque Trivelin passe d’opposant à adjuvant des jeunes amoureux que la deuxième pièce, d’intrigue cette fois, s’ouvre (Arlequin poli par l’amour). La spatialisation de l’intrigue s’est révélée complexe elle aussi. Le parcours amoureux, modèle théorique que nous avons élaboré, sert de colonne vertébrale aux pièces, sous une forme réelle ou iconique, ou encore en creux, sous une apparence minimaliste ou caricaturale. Cela nous a permis de définir des types de dramaturgie qui s’appuient sur la nature du parcours amoureux et sur le rythme de son développement : dramaturgie de blocage, de substitution, de destruction. Nous avons montré que certaines pièces reposaient avant tout sur l’organisation des parcours amoureux. Dans le cas contraire, il y a en quelque sorte prise de relais par un autre niveau dramaturgique : dans La Provinciale, c’est l’évolution du projet d’escroquerie qui va être le principe organisateur, dans La Commère ce sont les changements de posture actantielle des personnages, dans La Dispute la forme et l’organisation des scènes.

Croisant l’organisation de l’intrigue et l’organisation séquentielle reposant sur la présence et l’absence des personnages, nous avons signalé que sous une apparence d’unicité les pièces en un acte étaient en réalité composées de plusieurs pièces successives, emboîtées ou entrelacées.

Tous ces niveaux d’analyse ont été rassemblées dans une réflexion sur la composition. Le nouement a été défini comme un processus dynamique pouvant se poursuivre sans frein, s’achever momentanément sur un faux dénouement ou se bloquer en un nœud..

Tout au long de cette deuxième partie, nous avons confronté les choix structurels des pièces en un acte et des grandes pièces. Nous avons conclu à l’extrême originalité de notre corpus, qui échappe globalement aux représentations habituellement véhiculées sur le théâtre de Marivaux.

Notes
551.

En, cela, nous rejoignons tout à fait l’opinion de J. Goldzink (2003), p. 268 : “le résumé d’une pièce de Marivaux ne bute pas sur l’absence d’action au sens classique du terme, mais sur sa densité !”.