Troisième partie : Analyse de la séquence de fin

Comment rendre compte précisément de la fin marivaudienne ? Notre ambition est de répondre à cette question à la lumière de ce que nous avons établi précédemment. Ainsi, la problématique de la fin est liée à ce que nous avons montré du développement de l’intrigue.

Les entrelacements de parcours amoureux principaux, concurrents et fantômes construisent une dynamique qui est tendue dans une direction. Quels sont les parcours qui s’achèvent, lesquels restent irrémédiablement bloqués, lesquels disparaissent ? Où le curseur s’arrête-t-il ? Y a-t-il franchissement ultime d’une étape repérable comme une clôture avant la fin du rideau ? Ou bien la pièce s’achève-t-elle dans un entre-deux définitif, d’une fin formelle mais non décisive ?

Outre les parcours, les types de dramaturgie proposés et la composition des scènes induisent des questionnements propres. Comment la fin renvoie-t-elle à une composition globale ? Entre-t-elle en résonance ou en rupture avec des scènes antérieures ? Dans quel espace textuel est-elle contenue ? Nous tenterons une réponse à ces questions en nous appuyant sur la partition commode entre les pièces achevées par un mariage et les autres.

Mais il convient aussi de faire émerger d’autres types de questionnement. Peut-on formaliser une séquence de fin et en montrer les invariants et les variations dans l’œuvre marivaudienne, en fonction de la typologie que nous avons adoptée ? À l’intérieur de cette séquence, peut-on repérer une micro-séquence spécifique qui concerne le dénouement ? Le dénouement est-il constitutif de la fin ou n’en est-il qu’une étape ? Qu’est-ce qui dénoue, qu’est-ce qui est dénoué ? Quelles sont les étapes qui suivent le dénouement ? Comment le divertissement s’intègre-t-il à l’espace de fin ? En constitue-t-il un écho plus ou moins déformé ?

Enfin se pose la question du sens. La fin cristallise-t-elle le sens ? Propose-t-elle une interprétation fermée ou au contraire offre-t-elle des énigmes, des ouvertures qui sont autant de possibilités de réinterroger l’œuvre, de la débarrasser du masque de la convention de façade pour révéler son étrangeté ? Un voyage dans quelques mises en scène permettra de constater que les praticiens du théâtre se sont emparés de certains mystères inscrits dans le texte de certaines fins marivaudiennes pour en proposer une lecture intéressante.