2. scène de dénouement et scène antérieure

La comparaison de la scène de dénouement à la scène antérieure, ici encore, isole Le Legs par rapport aux deux autres pièces de même type.

Dans L’Épreuve et Le Préjugé vaincu, la scène de dénouement se présente comme une scène de pause par rapport à ce qui précède. L’immobilisation des corps succède à l’agitation qui caractérisait la scène antérieure. Dans la scène XX de L’Épreuve, la référence aux mouvements des personnages est précise et se traduit par des indications d’entrée et de sortie : Lucidor surgit, invite Angélique et Blaise à venir remercier Madame Argante, Angélique cherche à fuir, Lucidor éloigne Blaise et Lisette qui quittent la scène, le tout en sept répliques. Même situation dans Le Préjugé vaincu, avec de multiples verbes de mouvement : “venez”, “il vient de venir un homme”, “je vais lui parler”, “je reviens”.

Cette extrême agitation contraste avec l’immobilité des corps qui inaugure la scène de dénouement. Dans L’Épreuve, Lucidor interrompt l’agitation générale par une répartition des mouvements à l’intérieur de la relation scène / hors-scène  ⁵⁵⁹ . De même, dans Le Préjugé vaincu, le Marquis ordonne à la scène XV “Attendez-moi, Dorante”, et Angélique, au début de la scène XX, entérine cette absence de déplacement : “Vous restez donc, Monsieur ?”. Ce passage du mouvement à l’immobilité marque métaphoriquement la transition d’une extrême tension, résultant des oppositions irréductibles entre obstacles et contre-obstacles, à une détente possible.

Se superpose à ces données générales une sorte d’urgence à dire. Le moment de pause, l’im­mobili­sation des corps n’est qu’éphémère. Les deux scènes insistent en effet sur l’imminence du départ possible des personnages masculins. Dorante énonce par deux fois qu’il va quitter les lieux incessamment  ⁵⁶⁰ . Angélique elle-même évoque l’envol de Lucidor  ⁵⁶¹ . La menace de ces départs potentiellement définitifs rétablit l’urgence de dire nécessaire à la déclaration.

Les choses sont sensiblement différentes dans Le Legs. La scène d’agitation est bien antérieure (scène XVII) et elle a été suivie d’un relâchement qui prend la forme de commentaires divers. La scène qui précède le dénouement se situe dans la même lignée mais est en même temps programmatique. Elle vise à montrer comment le statut dramaturgique de Lisette, qui passe d’opposante dévoilée en adjuvante, la transforme en confidente avec laquelle on peut faire à la fois le bilan et le projet de ce qui va suivre.