II. Les pièces à blocage avant le mariage (Type II : Le Père prudent et équitable, L’École des mères, La Méprise, La Joie imprévue, Les Acteurs de bonne foi)

Ce corpus a trois caractéristiques principales : il met en place des pièces complexes, en réalité composées de plusieurs pièces internes ; le parcours amoureux principal est entravé par un obstacle dont la nature et la réalité sont variables ; les personnages ont recours au travestissement ou au mensonge. Ces données de base qui définissent les points communs de ces pièces permettent d’expliciter leurs dénouements. Puisqu’il y a mensonge et dissimula­tion, le dénouement aura à voir avec la révélation. Il faut qu’à la fin de la pièce les masques tombent. Il faut aussi que tous les personnages en soient au même niveau informationnel, gage d’un consensus possible. La révélation est donc information.

S’il y a eu obstacle extérieur, c’est qu’il y a eu des personnages faussement ou réellement opposants.

Un des préalables du dénouement est le repositionnement actantiel de chacun. Chaque actant doit se trouver à une place acceptable.

Enfin, la nature de la composition (le phénomène des deux pièces en une) influe forcément sur le dénouement. Pour que le lecteur-spectateur ait le sentiment d’une complétude, il faut apporter une fin à chacune des deux pièces fondues en une. Deux situations se présentent alors. Soit la pièce secondaire est en miroir par rapport à la pièce principale : elle présente elle aussi un mariage, même improbable. La fin prend alors la forme d’une crise qui pousse la situation de la deuxième pièce à une sorte de paroxysme. Le dénouage intervient pour annuler la potentialité de dénouement offerte par la pièce secondaire et conclure la pièce principale par l’achèvement du parcours amoureux vedette. Cela se produit dans Les Acteurs de bonne foi et dans L’École des mères. Dans La Méprise, c’est une révélation qui servira de dénouement et annulera le nœud qui s’était constitué.

Lorsque la deuxième pièce est très différente de la première, on quitte la pièce des amours pour aborder des thématiques ou des formes dramaturgiques radicalement différentes. Ainsi, dans Le Père prudent et équitable, on entre tout à coup dans une comédie d’intrigue orchestrée par Crispin. Il s’agit de jouer de mauvais tours à des prétendants que l’on n’avait pas vus sur scène auparavant. Dans La Joie imprévue, la situation est encore plus radicale. La deuxième pièce n’a pas vraiment de lien avec le parcours amoureux  588 . Il s’agit d’empêcher le Chevalier de ruiner Damon. Là encore, c’est une comédie d’intrigue qui se met en place, sous la baguette de Pasquin  589 . Le dénouement de ces deux pièces doit régler, d’une façon ou d’une autre, la pièce secondaire avant de conclure le mariage principal. Cette configuration nécessite plus de temps et réclame forcément plusieurs scènes alors que les pièces en miroir n’imposaient pas ce préalable.

Nous analyserons donc les deux sous-types à la lumière de ces premières indications.

Notes
588.

Le mariage décidé par la mère dans La Joie imprévue est conforme au projet de jeunes gens, au lieu qu’habituellement un parent propose un contre-projet matrimonial. Dans ces conditions, on ne peut pas faire fonctionner en parallèle une deuxième pièce interne mettant elle aussi en jeu un mariage qui vienne contrecarrer le premier. Cela explique peut-être en partie la complexité de cette pièce dont les intrigues vivent une vie vraiment parallèle.

589.

Il faut évidemment rajouter la “troisième pièce”, comédie sérieuse à vocation éducative, où il s’agit pour Monsieur Orgon de guérir Damon de sa passion du jeu.