1. les personnages dénoueurs

Les personnages dénoueurs des trois pièces ont l’autorité, le pouvoir à la fois social et dramaturgique. Ils sont en situation de supériorité hiérarchique par rapport aux personnages qui attendent leur décision. Dans La Réunion des amours, c’est Minerve qui est investie par Jupiter de la responsabilité de diriger l’assemblée, comme le précise Mercure dans la scène III. La déesse a, en outre, une fonction judiciaire par rapport à l’Amour et à Cupidon. Ainsi, lorsque Cupidon demande à Apollon ce que Minerve veut faire en amenant l’Amour, le dieu répond :

‘“Vous entendre raisonner tous les deux sur la nature de vos feux, pour juger lequel de vos dons on doit préférer dans cette occasion ici” (scène IV).’

Minerve est posée comme celle qui a mission d’évaluer et de statuer.

De ce point de vue, à la Minerve de la pièce allégorique, on peut comparer le Trivelin de l’utopie. Ce dernier, en effet, dans L’Île des esclaves, se présente comme un juge lorsqu’il décrit le fonctionnement de l’île aux naufragés :

‘“…ce sont là nos lois, et ma charge dans la république est de les faire observer dans ce canton-ci”.’

Il garantit un système judiciaire qui comporte sa part de récompenses et de châtiment.

Cette posture de juge induit de fait la fonction de personnage dénoueur. Le lecteur-spectateur attend raisonnablement que la décision de Minerve et celle de Trivelin aient vocation à dénouer la pièce.

Il n’en est apparemment pas de même dans La Dispute. Certes, le Prince a bien la supériorité hiérarchique sur la “suite”, à la “cour”, et, sans doute aussi, sur le personnage d’Hermiane. Mais, dans la dispute qui agite ses sujets, étant en quelque sorte à la fois juge et partie, il délègue la décision finale à la Nature et précise :

‘“Oui, c’est la nature elle-même que nous allons interroger, il n’y a qu’elle qui puisse décider la question sans réplique, et sûrement elle prononcera en votre faveur” (scène I).’

Le Prince prétend donc abandonner son statut de juge légitime au profit d’une expérimenta­tion naturelle censée administrer non un argumentaire mais une preuve irréfutable. Sa position de juge est donc masquée jusqu’à la fin.