La structure générale comparée des divertissements de ces trois pièces est la suivante :
Le Triomphe de Plutus | L’École des mères | L’Épreuve | |
Structure générale |
*un air suivi d’une danse *un air *un vaudeville |
*un air *un vaudeville |
*divertissement = vaudeville |
On constate qu’il n’y a pas d’équivalence sémantique entre divertissement et vaudeville ; le vaudeville est un ingrédient, parfois unique, du divertissement, qui, des deux, est la notion englobante, comme on le voit de l’aperçu lexicographique ci-dessous.
Encyclopaedia Universalis | |
D. : Un divertissement est une parenthèse, souvent à l’intérieur d’un spectacle, ou bien à l’intérieur d’un ensemble de manifestations sociales… Le XVIIIe s. bourgeois se distingue du XVIIIe s. de la Cour. Le peuple emprunte à la cour ses formes de théâtre, la société emprunte au peuple ses danses. La danse de société est spectacle, destiné à distraire le spectateur. La danse se combine à d’autres arts et devient divertissement pour l’opéra et la comédie (V, p. 608) | V. : jusqu’à la fin du XVIIIe s., moment où il se fond dans le courant de la chanson française, le v. se présente sous deux aspects : un aspect satirique inspiré des anecdotes et des événements de l’actualité (…), un aspect plus licencieux qui dégénéra en chant bachique. Avant de devenir une comédie, il a une longue métamorphose à subir. La transformation s’opéra au théâtre de la Foire. Dans la première moitié du XVIIIe s., la formule qui y triomphe est la comédie “à vaudevilles”, c’est-à-dire entrecoupée de ballets et de couplets chantés sur un air connu et dont on change les paroles au gré de la représentation. En 1712, Le Sage, Fuzelier et Dorneval commencent à composer des pièces avec vaudevilles qui portent le nom d’opéras-comiques. Les personnages inspirés de la comédie italienne sont mêlés à des situations cocasses à rebondissement. Par ailleurs, les allusions à l’actualité et les traits satiriques y sont nombreux… En 1743, une nouvelle étape est franchie lorsque Jean Monnet, devenu directeur de l’Opéra Comique, fait appel à des artistes comme Grétry, Philidor et Monsigny et à des auteurs de talent tels Pirou, Vadé, Favart et Sedaine qui, sur le modèle des chanteurs italiens, les bouffons, ont l’idée de faire composer une musique nouvelle pour leurs pièces. La naissance du véritable opéra-comique est consacrée. Toutefois, la simple comédie à vaudevilles subsiste, en donnant une part plus importante au dialogue parlé au détriment de la partie musicale, réduite à quelques couplets… (Thesaurus, p. 2180) |
Grand Larousse Universel | |
Divertissement : théâtre anc. Intermède le plus souvent dansé et chanté. Petite pièce sans prétention écrite pour un théâtre de société. Mus. Intermède de danses et de chants qui s’insère dans une comédie, une comédie-ballet, un ouvrage lyrique (il se rattache d’une manière plus ou moins évidente à l’action) (V, 3313) | Vaudeville : Encycl. Littér… les premiers vaudevilles sont des chants bachiques, caustiques et malins. C’est sous cette forme que le vaudeville durera jusqu’à la fin du XVIIIe s. Entre-temps, le vaudeville a fait son apparition au théâtre, notamment à la Foire, où la musique et les ballets se mêlent à l’intrigue de la comédie (X, 659) |
Dictionnaire alphabétique et analogique de la langue française | |
D. : [Fin XVe s. “action de détourner”, sens moderne au XVe s.] …spéc. mus… anciennement. Sorte de petit opéra de circonstance comportant des entrées de ballet. Intermède dansé et chanté pendant un entr’acte. Georges Dandin ou le Grand divertissement royal de Versailles, de Molière et Lully (1668). -Petite pièce de théâtre d’un genre léger. -Œuvre littéraire de fantaisie, d’un caractère léger, agréable” (II, 1348) | V. : Chanson… -(vers 1697) Pièce de théâtre, mêlée de chansons et de ballets, à la fin du XVIIe s. et au XVIIIe s. Au XIXe s., comédie légère, divertissante et à intrigues (p. 943) |
Littré | |
D. : …T. de théâtre. Nom d’intermèdes de danse et de chant dans un opéra. Pièce à divertissements (I, p. 342) | V. : …chanson de circonstance qui court par la ville et dont l’air est facile à chanter… -Vaudeville final, la chanson qui termine une pièce, et dont chaque personnage chante un couplet. -Pièce de théâtre où le dialogue est entremêlé de couplets faits sur des airs de vaudeville ou empruntés à des opéras comiques (II, p. 1250-51) |
Catégorie englobante, le divertissement désigne aussi clairement une fonction de ce nouveau moment de la pièce 798 . Le vaudeville est davantage lié à la désignation d’une forme artistique 799 . Le sens de ce mot l’a fait d’ailleurs évoluer progressivement vers un statut générique puisque, comme le signale l’article “Vaudeville” dans M. Corvin (éd.) (1995), “le terme (…) désigne tour à tour des chansons gaies, grivoises et caustiques, puis les couplets chantés sur des airs connus introduits dans une comédie légère, enfin la comédie elle-même” 800 .
Qu’en est-il du vaudeville final ? H. Gidel (1986) précise un certain nombre de points importants :
‘“le vaudeville final possédait ses usages propres. Ainsi continuait-on à l’appeler de la sorte même quand il était doté d’une musique originale. Il se composait d’un nombre variable mais assez important de couplets (par exemple celui de la Chercheuse d’esprit en comporte 13), chantés successivement par les principaux personnages qui, chacun à leur façon, tiraient la conclusion morale de la pièce. Entre ces couplets individuels s’intercalaient assez souvent les chœurs rassemblant la totalité des comédiens qui avaient paru sur scène. Il s’agissait de créer, au terme de la représentation, un climat de fête et d’euphorie générale qui permettrait au dernier couplet, celui qui sollicite l’indulgence du public, d’être plus efficace” (p. 34).’Les vaudevilles utilisés par Marivaux répondent-ils à cette définition ?
Voyons-le en tableaux.
Avec un clin d’œil : ce que Pascal ou Rousseau reprochent au théâtre, c’est justement d’être un divertissement : cf. l’article “Divertissement” de l’E.U.
Cf. M. Sajous d’Oria (1997), sous Vaudeville.
Cf. H. Gidel (1986). Notamment, pour ce qui nous concerne : “dès 1640, la chanson avait commencé à faire son apparition dans le théâtre, préludant ainsi à la naissance de la comédie à vaudevilles” (p. 14) ; on en trouve de nombreux exemples au XVIIe s., dont des comédies de Molière ; “Même à la fin du siècle, dans les comédies dites ‘à divertissement’, les chants et les danses, généralement situés à la fin de la pièce, en sont très nettement séparés, comme dans Les Vendanges de Suresnes (1695) de Dancourt” (p. 14-15) ; “En fait, c’est avec le théâtre italien que le nouveau genre va réellement faire son apparition”. De 1680 à 1697, “une part importante des pièces jouées… comportait des vaudevilles chantés”. Ces vaudevilles étaient chantés sur des airs repris. Comme les acteurs de foire n’avaient pas le droit de s’exprimer en paroles, ils “imaginèrent, vers 1710, de tirer de leur poche droite des rouleaux de parchemin où étaient inscrits en gros caractères le texte de leur rôle, qu’ils glissaient dans leur poche gauche après l’avoir montré au public, et ainsi de suite. Ces textes, primitivement en prose, devinrent rapidement des vaudevilles et les airs, entonnés par les comparses disséminés dans la salle, étaient repris par l’ensemble des spectateurs” (p. 17) ; etc.