III. Sens des divertissements

Qu’en est-il du sens ? Comment le sens évolue-t-il à l’intérieur du vaudeville  805  ? Comment entre-t-il en résonance ou en opposition avec le sens de la pièce ? H. Gidel (1986) nous éclaire à la fois sur la thématique générale des vaudevilles de fin et sur l’organisation de sens qu’ils présentent. Sur le premier point, il écrit :

‘“Souvent, le vaudeville final revêtait l’aspect d’une revue satirique et il comportait, au fil des couplets successifs, les applications particulières d’un thème général : ainsi la coquetterie des femmes, la hâte des jeunes filles à se trouver un époux, l’insolence des parvenus. Ce thème était naturellement en relation avec le sujet de la pièce, auquel il conférait une portéée plus vaste. Par cet aspect satirique, la vaudeville final se rattachait à la vieille tradition française que Boileau mettait si justement en lumière dans son Art poétique” (p. 34).’

Évoquant les couplets, il montre qu’il en existait plusieurs sortes :

‘“le couplet de situation qui, sans arrêter la marche de l’action, servait en quelque sorte à faire le point, puis le couplet de circonstance, une espèce de morceau de bravoure qui ne se rattachait que d’une façon très indirecte à l’intrigue (…), le couplet de facture, récit ou chanson destiné à faire accepter par le public des explications qui, simplement parlées, eussent semblé fastidieuses (…), le couplet au gros sel contenait des équivoques grossières qui constituaient pour le public d’alors l’un des traits les plus efficaces du vaudeville (…), le couplet d’annonce qui, parfois, précédait la pièce et enfin le couplet public qui, dit par un des acteurs sur le devant de la scène, quêtait l’indulgence des spectateurs et sollicitait leurs applaudissements” (p. 33).’

Cette typologie ne convient pas forcément à notre corpus. Néanmoins, on trouve un couplet public dans Le Triomphe de Plutus. C’est Arlequin qui en est chargé ; il s’agit de la toute dernière strophe du vaudeville, dont la vocation est, dans une sorte de captatio benevolentiae ultime, d’anticiper les réactions du public par rapport à la pièce et à son succès. La mise en abyme est perceptible dans le fait que derrière la généralisation (“un auteur”, “l’ouvrage”, “la pièce”, “l’acteur”, “le spectateur”), on peut lire l’inquiétude d’un Marivaux qui, justement, n’a pas suivi pour Le Triomphe de Plutus la “route ordinaire” que préconise la strophe chantée par Arlequin, et dont les expériences théâtrales ont pu être cuisantes  806 . Le discours d’Arlequin renvoie le spectateur à sa propre capacité à apprécier l’originalité, tout en ayant l’air de rendre l’auteur responsable de l’échec éventuel de la pièce. Les vaudevilles proposés chez Marivaux reflètent eux aussi cette tendance à l’originalité. Il convient de les analyser en détail pour voir comment ils s’articulent avec la pièce qu’ils prolongent.

Notes
805.

Sur cette question, cf. P. Robinson (1989 et 1996 a).

806.

D. Trott (1991) rappelle, p. 20, “l’antagonisme des partisans du théâtre néoclassique, et en particulier des habitués de la Comédie-Française, face à l’originalité des pièces comme L’Île de la raison ou Les Serments indiscrets”.