a. L’École des mères

Le tableau se met en place progressivement. Il y a d’abord une phase d’installation entamée dès la fin de la scène XVIII. Deux plans se constituent progressivement : l’arrière-plan est celui des deux amoureux  844 , le premier plan est celui des deux parents rapprochés l’un de l’autre jusqu’à se toucher  845 . On peut donc faire l’hypothèse, à partir des didascalies, que la composition du tableau de la fin de scène XVIII est la suivante :

Soit dit évidemment sans préjuger de l’emplacement horizontal, cour ou jardin, de chaque personnage : seule la profondeur et la figuration trapézoïdale sont postulables.

Ce premier tableau est attesté par la récurrence du verbe voir (“vous voyez bien”, “voyant Éraste”). Il est éclairé par Frontin, à qui Madame Argante a commandé d’apporter de la lumière, et par les autres domestiques qui forment un troisième plan.

Il s’interrompt avec l’impératif “approchez”, qui confirme rétrospectivement l’éloignement vers l’arrière des deux jeunes gens.

Un deuxième tableau est obtenu après la translation des jeunes gens vers l’avant : jeu sur la profondeur et l’horizontalité, mais aussi sur la verticalité : Angélique est aux pieds de sa mère, Éraste est prosterné devant son père. L’arrière-plan est constitué par les domestiques et la lumière vient du fond :

Ce tableau est sans doute interrompu par l’impératif “Allons” ; aucune indication, ni textuelle ni didascalique, n’est intervenue entre temps qui permette de considérer que les deux jeunes gens se sont relevés. On peut donc estimer que, jusqu’à l’émergence du verbe de mouvement à l’impératif qui, comme plus haut, marque la fin d’un tableau, la scène est restée relativement figée.

Le troisième tableau est la pantomime finale, l’embrassade de la mère et de la fille qui achève la scène. En revanche, rien n’est dit, cette fois, du reste de la composition de ce tableau. L’absence de toute indication semble insister sur un plan moyen serré davantage sur le couple mère-fille.

Cet exemple montre bien comment le tableau structure la scène et comment le texte de Marivaux marque l’importance attribuée aux corps.

Notes
844.

Cf. “Ils s’écartent tous trois” : Angélique et Éraste, proches l’un de l’autre, sont séparés par Madame Argante. Un mouvement centrifuge s’opère sans doute.

845.

Cf. “En disant cela, elle avance et rencontre Monsieur Damis, qu’elle saisit par le domino” : après avoir écarté les amoureux en arrière-plan et en périphérie, elle opère elle-même un mouvement centripète vers l’avant-scène, où elle retrouve le père d’Éraste.