II. Vrai ou faux dénouement : la question du sens

Les théoriciens de la fin affirment que les dernières pages, les dernières lignes d’une œuvre sont propices à éclairer son sens. Qu’en est-il au théâtre ? Certes, les doctes conseillent de donner des informations complètes et explicites sur tous les personnages sans qu’aucune question soit laissée en suspens. Cette injonction induit que la fin de la pièce soit le lieu d’une saturation de l’information propre à donner le sentiment d’une clôture. Mais la complétude de l’information engendre-t-elle forcément la clôture du sens ? La tradition d’une fin de convention ne fait qu’accentuer la difficulté. Que devient la question du sens quand il y a mariage obligatoire ? Faut-il considérer qu’il y a un faux dénouement, respectueux de la tradition, et un vrai dénouement, masqué, qui s’exprime parallèlement ? C’est l’hypothèse qui a été défendue en ce qui concerne l’œuvre de Molière : il y aurait chez lui un double dénouement, l’un de convention, l’autre plus spécifique. Qu’en est-il chez Marivaux ?

En analysant le dénouement marivaudien dans les pièces à mariage, nous avons constaté que se mettait en place une sorte de modèle de référence qui s’appuie sur une convention à la fois thématique et dramaturgique. Ce modèle théorique se décline en autant d’étapes en quelque sorte obligatoires : bilan et/ou crise, menace de dénouement par aporie ou de dénouement tragique, réplique de dénouement et/ou de dénouage, achèvement sous forme de commentaire, de réparation ou de dénouement secondaire, conclusion, mots de la fin.

On va supposer que tout écart par rapport à ce modèle théorique laisse apparaître une béance qui ouvre à une pluralité de sens possibles.

Pour toutes les autres pièces, Marivaux joue avec les conventions génériques, choisit très souvent de ne pas trancher ou joue avec l’implicite, le non-dit, qui va sécréter un mystère du texte.

Nous ferons donc un repérage des manques divers, des béances dans les textes et nous nous donnerons pour tâche d’observer dans quelques mises en scène comment des propositions produisent à un moment donné un sens qui clôt provisoirement l’ouverture textuelle  851 .

Notes
851.

Ce travail ne peut rendre compte de l’ensemble de la mise en scène. Il s’attache à un moment du spectacle qui prend appui sur un moment du texte.