1. les pièces à mariage

Dans ce corpus, les points stratégiques, le dénouement et l’achèvement, sont fortement modélisés. Le sens est à l’épreuve, au niveau du dénouement, quand la déclaration ne se produit pas selon les normes habituelles, et, au niveau de l’achèvement, quand la réparation ou l’information sont absentes.

a. le dénouement transgressif ou Le Préjugé vaincu

Dans Le Préjugé vaincu, il n’y a pas au moment du dénouement de parole libératrice. Deux didascalies succèdent à l’injonction d’Angélique : “Vous pouvez parler”. Or Dorante ne parle pas. Il pose deux questions dont la plus importante est interrompue et conclut la scène sur une incapacité à prononcer les mots attendus :

‘“Angélique : ‑Vous pouvez parler.
Dorante et Angélique se regardent tous deux.
Dorante, se jetant à genoux : ‑Ah ! Madame, qu’entends-je ? Oserai-je croire qu’en ma faveur…
Angélique : ‑Levez-vous, Dorante. Vous avez triomphé d’une fierté que je désavoue, et mon cœur vous en venge.
Dorante : ‑L’excès de mon bonheur me coupe la parole”.’

De même Angélique, demandant à son père de la dispenser de parler dans la scène suivante, se place dans une situation où elle n’a pas à rendre compte publiquement de son amour  852 . Il y a donc transgression par rapport au code de la déclaration et de l’information publique. Cette difficulté ne présage-t-elle pas un échec possible, présent ou à venir ? N’interroge-t-elle pas sur la réalité de la victoire de Dorante promise par le titre sur le préjugé d’Angélique ?

Dans Le Préjugé vaincu (2002), Célie Pauthe  853 est partie de cette ambiguïté pour proposer une lecture de cette pièce à partir du prisme de la Révolution prochaine. Dans un château délabré, Angélique représente la seule garante des valeurs du passé. Sa soubrette et son père sont prêts, pour des raisons économiques, à se compromettre avec Dorante qui représente la nouvelle classe dominante.

Cette “lutte des classes” se traduit dans le spectacle par une lutte entre deux esthétiques théâtrales, l’une centrée sur un jeu et un espace réalistes, l’autre prenant son essor dans un espace vide qui met en valeur les corps et les déplacements. Dans cette mise en scène, c’est l’obéissance au père que l’on entend plutôt que la soumission à l’amour. La fin immobilise le corps des maîtres, donnant la parole aux valets. Lisette, reprenant les déplacements de sa maîtresse, annonce la grande Révolution.

Notes
852.

Elle déclare à son père “Dispensez-moi d’en dire davantage”, refusant décidément de parler d’amour. Cette demande faite au père de rester silencieuse est comparable à celle de Lucile dans la scène d’achèvement des Serments indiscrets (“Ne me demandez point d’autre réponse, mon père”) ; mais dans la pièce longue, Lucile laisse au moins parler son corps : elle donne sa main à Damis.

853.

Voir bibliographie, sous “Spectacles”.